+ david - plus un geste !

Tu es puni. C’est tout du moins l’impression que tu avais. Cloîtré dans ta chambre comme un enfant capricieux, tu rasais les murs en faisant les cent pas. Tu avais toujours eu des tendances un peu casanières mais comme tout punk qui se respecte, tu n’aimais pas qu’on t’impose les choses. Et pourtant, tu n’avais pas vraiment le choix. Moins tu sortais de ta chambre d'hôtel, moins tu avais de chances de coller à un passant ou un poteau. Et plus tu restais enfermé, plus tu avais de temps pour écrire de nouvelles chansons. Le problème est que l’inspiration ne vient plus, entre ces quatre murs -quand bien même la suite pouvait être grande- tu sens que ta créativité étouffe. C’est comme un vinyle rayé qui tourne en boucle, le silence radio qui bourdonne en fond. ((Ça te rend sourd.))

Ta basse te fait la tête ce soir. Impossible de faire un accord sans que tes doigts collent aux cordes, des morceaux de partitions se sont déchirés en s’accrochant à tes paumes, tes poignets, tes avant-bras, et même lorsque que tu as voulu jeter rageusement ton médiateur, il est resté vissé à tes phalanges. Mais tu n’étais pas un gars très colérique, même pas du tout. Il en faut beaucoup pour te secouer, certains racontent même que la seule façon de le faire est de dire qu’Elvis Presley a inventé le Rock & Roll, légende que personne n’a essayé de vérifier pour le moment. Au final, t’étais même pas énervé. Juste frustré. Parce que t’arrives à rien ce soir et ça te fait chier.

Fort heureusement, il n’y a rien de plus facile que de se trouver une occupation. Et ce soir, tu décides de te retrousser les manches et répondre au courrier de fan. « Keith est un joli nom de scène, ça ressemble à Kiss, comme ce qu’on fera quand on se verra. ». « Est-ce qu’il y a une Miss Stohn dans ta vie ? ». « David, chaque fois que je viens vous voir en concert, j’aimerais que tu fasses ton doigté de basse entre mes cuisses. ». Parfois, il t’arrive de ne pas vraiment comprendre certaines des allusions. A croire que plus personne ne suit les groupes juste pour l’amour de la musique. Avec tout ça, il semblerait que personne n’ait réussi à capter ton attention. ((Ou peut être pas ?))

C’est en traînant des pieds que tu vas ouvrir la porte de ta chambre, te raidissant légèrement alors qu’un flic se dessine dans l’encadrement. T’as pas vraiment le temps de répondre que l’homme -qui plus tu le regardes, moins ressemble à un agent de police- s’incruste dans la pièce. Le problème avec toi c’est qu’un gars pourrait te menacer avec une arme contre la tempe, tu serais toujours aussi lent à la détente. Alors tu le regardes, un peu perdu dans ton propre espace, le lit couvert de partitions froissées et de lettres ouvertes, ta basse allongée comme une diva sur un coin du matelas, la guitare sèche qui les juge, entreposée dans son vieil étui. « Euh … Ok ? ». Tu n’es pas bien résistant, tu obéis sans vraiment rechigner. Tant que ce “flic” ne touchait pas à ta gratte, y’avait aucune raison que tu t’affoles. ((T’es sûre, David ?)).

Et c’est là que ça commence à devenir bizarre. Ce gars commence par te menotter et le voilà qui pénètre sans gêne ton espace personnel, tu sentirais presque la peau de tes doigts se coller au dossier du fauteuil sur lequel t’es posé. Il déblatère des accusations sur un ton étrange, tu le regardes, incrédule. « Le crime de lux- ». T’as pas vraiment le temps de finir ta phrase qu’il se déshabille sensuellement en face de toi. Et tu le regardes, le visage lisse, sans expression, seules tes paupières se retroussent légèrement sous la surprise. « Oh. ». ((C’est quoi ce bordel ?))

Il y a beaucoup de choses que les gens supposent à ton égard. En tant que membre d’un groupe punk, avec ton allure de beau gosse mystérieux, on s’imagine tout de suite que tu fais partie de cette catégorie de mecs qui s’enfile autant de meuf que de pilules qui rendent fous. Et toi, dans ton monde détaché, dans ta navette perdue dans l’espace, tu n’es pas capable de dire que tu ne rentres dans aucune de ces cases. Ta seule drogue est ta musique, elle t’empêche de fermer l’oeil la nuit, elle fait trembler tes membres, te fait faire les cents pas et parfois même, te rend un peu fou. Quant à cette idée reçue concernant tes prouesses sexuelles, tu ne saurais même pas quoi en dire étant donné que : Tu es puceau.

Cela n’a jamais été un secret. Ou, tout du moins, tu n’as jamais essayé de le cacher. Les gens tirent simplement de fausses conclusions sans jamais vraiment s’intéresser à la vérité. La réputation d’Eli a simplement précédé la tienne, on assumait que tu étais de la même espèce, tombeur de ces messieurs, dames. La réalité était que tu étais tout simplement trop enfoncé dans ton travail pour avoir l’occasion de découvrir le monde de la Luxure. Et voilà que cet étrange agent de police -tu as commencé à douter de sa réelle appartenance aux forces de l’ordre quand il a commencé à se dessaper- t’accuse de méfaits que tu n’as même pas commis. ((Quelle Ironie.))

Le corps de l’individu se dévoile sensuellement sous tes yeux ronds, pas sûre de comprendre ce qu’il se passe, exactement. Quand on grandit avec Eli et une bande de grand-pères fêtards, la nudité ne fait plus grand effet. Mais, il faut bien le reconnaître, ce gars a été bien gâté par les cieux. Ou, tout du moins, il semblait objectivement correspondre à ce qu’on pourrait qualifier de sexy. Tu ne t’étais jamais vraiment poser la question si tu trouvais telle ou telle personne sexy. Tu n’as même pas le souvenir d’avoir désirer quelqu’un ne serait-ce qu’une fois dans ta vie. Même tes ex-copines, avec qui tu étais sortis uniquement parce qu’elles te l’avaient demander, pour pas mourir bête. Et là, ça … ne te fait pas grand chose.

Mais les choses finissent par se compliquer lorsqu’il saisit tes mains pour les plaquer sur son torse. D’un côté, le contact n’est pas désagréable, il a la peau douce, le buste tendre. De l’autre, et c’est ce qui t’inquiète, tu crains que tes paumes ne te jouent de mauvais tours et restent collées à cet endroit. Coincé dans ta lenteur d’esprit, tu laisses le bout de ses doigts découvrir ta silhouette à travers tes vêtements, la face lisse. Restes calme, David. Avec un peu de chance, tout se passera bien. Il finira sa danse, se rhabillera et repartira comme si de rien n’était.

« Ah. »

Là, tu te sens pas à l’aise. T’as le paquet de ce gars juste sous le pif, tu sens que la température est monté d’un degrés et tu sens ton espace personnel bien trop encombré pour réfléchir. Ça te picote un peu partout, les menottes commencent à te lacérer les poignets, t’as qu’une envie, c’est te barrer.  « J’crois qu’y’a erreur, j’ai rien f-a- ». Oh non, c’est pas le moment.  « -a-Atchoum ! ». Un petit éternuement qui fait basculer ta tête vers l’avant, probablement l’embarras du moment ou simplement un poussière dans l’air, rien de grave. Et pourtant, ça l’est. Tout s’est enchaîné très vite. Dans ta maladresse, ta joue s’est collée au bas ventre du jeune homme et vous a entrainé tous les deux sur le sol. Vous voilé donc à terre, lui, allongé sur le dos, toi, la tête vissée à son nombril et tes mains encore menottées. ((Eh Merde.)).  « Je peux tout vous expliquer, Monsieur l’agent. ». T’en es sûre, David ?