Nathaniel | Photography is the story I fail to put into words

✦ Mommy Dearest :: Sa mère est Noire, son père est blanc. Il est né à la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand son père ayant fui la situation tragique en Europe a rencontré sa mère et, ne connaissant pas les lois en place en Californie interdisant l'union d'un couple mixte, en est tombé follement amoureux. La réalité les a bien vite rattrapés. Pendant les premières années, Papa et Maman ont essayé de se cacher, de fonctionner malgré le stigmate, d'élever leur enfant avec tout l'amour du monde. Et puis c'est devenu trop dur, trop dur de se cacher, de mentir, de se battre, de vivre dans la terreur permanente du jour où quelqu'un arriverait pour les tuer tous les trois, et Maman est partie avec Nathaniel sous le bras. Il avait six ans. Ses souvenirs de son père sont vagues mais aimants et s'il a pris le nom de sa mère, ce n'est pas par mépris mais simplement par confort. C'est pourtant un nom qu'il n'aime pas, puisqu'il leur vient du maître de la plantation sur laquelle est née son arrière-grand-mère, peu avant l'abolition de l'esclavage. Il aurait aimé porter leur vrai nom, celui que leurs ancêtres possédaient avant d'être amenés aux Etats-Unis d'Amérique, mais même son arrière-grand-mère n'a jamais su lui dire ce qu'il était, ni d'où ils venaient. D'Afrique de l'Ouest, peut-être.
Nathaniel a donc grandi avec sa mère, Jeanie Drake. Jeanie est une femme sensible, souriante, qui travaille dur pour donner le meilleur à son fils. Malgré tous les obstacles placés sur son chemin, elle parvient à réunir assez d'argent pour lui permettre de faire des études. Aujourd'hui, il tâche de prendre soin d'elle : les années à travailler seize heures par jour, sept jours sur sept pour assurer un avenir à son fils l'ont usée, et Maman paraît bien plus âgée qu'elle ne l'est en réalité.
Mais elle sourit, toujours, et elle rit de ses plaisanteries, et Nathaniel aime chaque seconde du sourire de sa mère.

✦ In the eye of the viewfinder :: La passion pour la photographie lui est venue très jeune. Sa mère, voyant son engouement immense pour les photos, a trimé pour lui offrir son premier argentique avec lequel il a passé de longues heures intimes et frénétiques. Tout devait être capturé, absolument tout, et ce n'est pas parce qu'il a grandi et obtenu un diplôme et une certaine reconnaissance que les choses ont changé. Nathaniel a le courage de ses opinions et il sait le prix qu'il risque de payer pour les révéler. Ça ne le dérange pas. Il a été arrêté plusieurs fois pour avoir exprimé son désaccord envers l'ordre établi avec un peu trop de vigueur, il en est ressorti plus décidé encore à l'ouvrir. Il faut informer, il faut savoir, il faut comprendre, et pour lui le processus passe par l'objectif de son appareil photo.
Il a étudié à la Cranbrook Academy of Art, à côté de Detroit, principalement en peinture classique et photographie. Il a aussi été l'assistant d'un professeur pendant la majorité de son cursus et quelques années après. C'est à cette occasion qu'il a rencontré Rahim, qui a développé un crush sur lui dont il ne s'est rendu compte que très tard et non sans tendresse. Pendant longtemps, il a simplement cru le jeune homme fasciné par ses mots, et en tant que jeune assistant de professeur à peine sorti du cursus, l'attention lui a donné des ailes. Jusqu'à ce qu'il comprenne et mette un peu de distance entre Rahim et lui, par peur de perdre son travail – et son ami.

✦ What you believe in :: Quand il a annoncé à Rahim, resté quelques temps à Detroit après la fin de ses études, qu'il comptait partir au Vietnam couvrir la guerre... hé bien, disons que Rahim ne l'a pas très bien pris. « La guerre c'est dangereux », à ce qu'il paraît, et puis l'eau ça mouille, aussi. Nathaniel s'en moque bien. La photographie de guerre a toujours été sa passion. C'est morbide, peut-être, malsain, peut-être, toujours est-il qu'il ressent le besoin frénétique de montrer au monde ces choses atroces qui se déroulent partout autour, comme si personne n'avait rien appris de 39-45. L'occasion de partir au Vietnam était trop belle pour qu'on la laisse passer. Rahim a eu beau lui dire qu'il avait réussi à ne pas y être envoyé en tant que soldat, qu'il était ridicule d'y aller en tant que photographe quand on avait eu cette chance, Nathaniel n'a rien écouté et est parti, laissant derrière lui un clivage entre eux deux que le temps ne viendrait pas combler.
Il en a fait d'autres, des guerres. L'Afghanistan en 79, le Liban en 75, l'Inde en 76, le canal de Suez en 73. Il a tenté de couvrir le génocide au Cambodge sans parvenir à y rentrer, il a couvert la Révolution des Oeillets, il a rêvé d'être en Iran pour suivre le renversement du Shah, à Soweto pour assister aux émeutes, au Chili pour montrer au monde les horreurs de Pinochet. Rien ne l'a marqué autant que le Vietnam, sa première, sa plus horrible. Il a vu des choses dont il refuse encore de parler aujourd'hui, des choses qui lui font parfois avoir le regard vide et l'esprit ailleurs, qui le poussent à réagir avec beaucoup trop d'intensité à des choses qui semblent tout à fait anodines. Au Vietnam, il a vu ce que l'homme peut faire. Depuis, malgré son handicap, malgré la douleur, il fait tout ce qu'il peut pour être là où est l'horreur, parce que personne ne devrait avoir le droit de fermer les yeux sur la vérité. Pas quand elle le hante toutes les nuits – et parfois le jour aussi.

✦ On your knees :: En 1972, peu avant son départ au Vietnam, on lui brise le genou. C'est un homme qu'il ne connaît pas, qui lui dit de ne jamais plus s'approcher de Rahim, qui le terrifie. Son séjour à l'hôpital et sa rééducation retardent son départ pour le front et ce n'est qu'aux derniers mois de la guerre qu'il pourra couvrir la situation au Vietnam, le tout avec une jambe dysfonctionnelle qui le fait souffrir jour et nuit. Il boite encore et boitera sans doute toute sa vie mais il a, au fil des années, réussi à s'adapter à ce qu'il appelle une blessure de guerre et à la tourner à son avantage dans certaines situations. Après tout, personne ne se méfie du gentil garçon handicapé qui n'a pas l'air bien malin et a un sourire plus lumineux qu'un phare en plein nuit.

✦ Let's make a living :: Il vend régulièrement son travail à des journaux et expose dans des galeries du coin où il se trouve sur le moment. Il était à Coalinga pour photographier les dégâts du séisme quand il a entendu parler de la pluie de météorites sur le Minnesota. Le jour même des premiers bruits dans le milieu journalistique concernant les météorites, il prend en catastrophe un avion de la Californie à Minneapolis, où il arrive le 14 mai 1983. Il rêve de photographier les résultats de la chute des météorites mais il s'avère bien vite qu'il se heurte à quelque chose de plus grand que lui. Deux semaines après la chute des météorites, la quarantaine est déclarée, et le travail de Nathaniel devient infiniment plus compliqué. Pour capturer des images intéressantes que les journaux achèteront, il doit composer avec la paranoïa, l'armée, et tout ce qui en découle. Pas sa première fois. Il espère juste que ce ne soit pas la dernière.

✦ Leverage :: Il a déjà plusieurs fois photographié des mutants en pleine démonstration de leurs pouvoirs ainsi que des interventions musclées de l'U-AM, mais a préféré garder les photos pour lui pour le moment. Il veut en apprendre plus, comprendre ce qui se passe, monter un dossier solide que personne ne pourra nier – et là, peut-être, il révélera tout ce qu'il sait et montrera au monde ce qui se passe dans les sordides coulisses de Minneapolis.

✦ Love actually :: L'amour, c'est pas son truc – ou plutôt, il est dans une relation longue durée et exclusive avec son appareil photo. Il n'a jamais songé à se marier et à avoir des enfants, n'a jamais considéré la possibilité de cesser de voyager d'un pays à l'autre en quête des moments les plus atroces de l'Histoire, et surtout pas pour une femme, une maison avec une barrière blanche, un chien et des gosses. Il y a beaucoup trop de choses à faire dans ce monde pour se préoccuper de ça et puis, soyons honnêtes, quand on voit à ce point la réalité des choses, il est difficile de vouloir amener des enfants dans un univers aussi déglingué. Peut-être qu'il tombera amoureux, un jour, d'autre chose que de la photo. C'est assez mal barré et ce n'est clairement pas sa priorité.

✦ Gospel truth :: Son père était donc Juif, peu pratiquant et peu connecté à des racines que les circonstances européennes l'ont forcé à abandonner, et n'a jamais jugé bon de transmettre sa religion à son fils. De toute manière, le judaïsme est une ethno-religion matrilinéale, et la plupart des courants du judaïsme auraient requis de Nathaniel qu'il se convertisse pour faire partie de la communauté. Trop d'efforts, pense-t-il. Il a bien tenté de trouver une connexion avec ses racines, d'apprendre un peu de Yiddish ou d'Hébreu, de lire la Torah et le Talmud, mais n'a jamais réussi à s'investir suffisamment dans l'affaire. Sa mère, quant à elle, a toujours fait partie d'une église protestante Noire où elle mène la chorale. Quand il était enfant, il chantait au choeur et ses moments à l'église étaient toujours heureux : on chantait, on dansait, on mettait ses plus beaux vêtements et de grands chapeaux extravagants, et toutes les dames étaient jolies et il pouvait chanter à pleins poumons sans qu'un voisin lui hurle de la fermer une bonne fois pour toutes. S'il n'est pas vraiment religieux, il lui arrive de retourner dans une paroisse de sa dénomination simplement pour profiter du contact humain, de l'atmosphère particulière, de la sensation d'appartenance.

✦ Black excellence :: Il lit beaucoup et principalement sur la cause Noire. Sa mère a été impliquée dans le mouvement des Droits Civils des Noirs Américains et lui-même a toujours baigné dans des idéaux de liberté et d'égalité. Le programme en dix points des Black Panthers est affiché dans sa chambre, il a les transcriptions des discours de Malcolm X sur sa table de chevet. Il s'investit volontiers dans les initiatives de sa communauté pour améliorer les conditions de vie des Noirs Américains et n'hésite pas à prendre position contre le racisme, quitte à se mettre en danger dans un monde qui est bien loin d'avoir dépassé son ère Jim Crow.

✦ Chamallow love :: Et puis, pour finir sur une touche plus légère, Nathaniel a une véritable passion pour les chamallows. De fait, il a autrefois fait un concours avec Rahim afin de déterminer lequel des deux pourrait chanter avec le plus de chamallows dans la bouche. Nathaniel, doté par la nature d'une large cavité buccale, a gagné haut la main avec un score épatant de 17 chamallows.