dreadfully ugly child ((billy))

r o w r o w r o w
enfance en demi-teinte pour ce type sorti du ventre une vénus imaginaire. billy a grandi déconnecté du monde et des réalités, dans un environnement particulier qui a sans doute expliqué, aux abords de l'adolescence, ses difficultés à s'intégrer au sein de la société. s'il devait résumer son père en tout simplicité, il n'utiliserait que deux mots : paranoïaque et armé. ce vieux fou, paix a son âme, a pris la route lorsque sa femme l'a quitté, emmenant avec lui pour tout bien une caravane-bungalow et la précieuse compagnie de son enfant, que la mère n'avait pas voulu. billy n'était alors âgé que de quatre ans. et sûrement qu'à bien y regarder, ses mummy issues viennent de ce vide, que son père n'a jamais su combler, lui qui refusait même de prononcer son nom. une enfance sur les routes, donc, à parcourir les états-unis dans un sens, puis dans l'autre. l'école de la vie, comme disait son vieux, qui dormait avec son fusil sous l’oreiller. c'est sûrement lui, qui a mis ces idées saugrenues dans la trogne de sa progéniture. sûrement lui, qu'il faut blâmer à chaque pas de travers. il l'utilise d'ailleurs souvent comme excuse, pour justifier ses comportements de merde. c'est tellement plus simple, de se dédouaner de tout en chargeant son héritage familial.

f l o w e r p o w e r
il a quinze ans tout juste, lorsque son père meurt ((et jusqu'au bout, il dira haut et fort qu'il ne s'agit que d'une petite grippe, qu'elle ne l'emportera pas)), le laissant aux portes de minneapolis. car c'est dans cette ville, que s'est installée judith kennedy, onze ans auparavant. une vieille hippie adorable aux cheveux déjà gris et fleuris, aux robes colorées et au parfum de cannabis. prémices du flower power, en quelques mois, billy passe d'un environnement d'ermite psychosé à celui, bien plus psychédélique, de cette communauté où tout le monde l'appelle fils, mais où il lui est formellement interdit d'appeler sa mère maman. mère qui est toujours en vie aujourd'hui, qui harcèle son rejeton de coups de téléphone et qui l’inonde de lettres dans lesquelles elle ne gribouille que de petites fleurs. il faut dire qu'elle n'a plus toute sa tête, la pauvre femme. de cette période de sa vie, billy garde quelques traces. des chemises scandaleusement colorées, des lunettes un peu trop rondes, une photo jaunie où on le voit les cheveux aux vents. il aurait pu poursuivre ce mode de vie et le mouvement encore longtemps, si à dix-neuf ans il n'avait pas décidé d'aller voler de ses propres ailes loin de cette communauté. comme un besoin d'indépendance, de liberté ; ou tout simplement les gènes hérités de son paternel qui attendent la fin de la puberté pour se réveiller.

a f t e r s h a v e
à l'époque, il se met de l’after-shave. ça pue, ça cocotte, ça embaume, une odeur âcre et acide qui pique le nez et le gosier. mais ça lui donne l'impression d'être quelqu'un. monsieur tout le monde bien intégré dans son quotidien. et au moins, on se retourne sur son passage ; alors il se dit qu'il a du succès. il est pas totalement con, billy, il sait bien que c'est pas sa frimousse mal rasée qui fait tourner les têtes, encore moins sa tronche d'adolescent. mais l'illusion est quasi parfaite, alors il continue à ce rythme quelques mois, années peut-être, simulacre de vie normale et bien rangée. enfiler une chemise mal repassée, se parfumer, frapper aux portes et proposer des aspirateurs avant de se faire rembarrer. activité périmée avant l'heure, tout le monde l'avait compris sauf lui. aujourd'hui ? il est allergique à ce foutu after-shave. ça lui donne envie de dégueuler. trop plein de normalité, c'était pas un quotidien qui lui convenait.

s y l v i e
dans le bus de nuit, un sourire. et le soir d'après, un sourire. et le sur lendemain, encore un. alors que lui, il s'endort à moitié, la gueule ouverte, le front contre la vitre, de la bave au bord des lèvres, épuisé par ses journées. il lui faut bien une semaine avant de capter les signaux et quelques jours supplémentaires pour qu'il daigne s'asseoir à côté de lui. ouais, parce que sylvie, il a une pomme d'adam, du poil au menton et dix ans de plus ; il le remarque qu'une fois à proximité. et si au début ça le fait grimacer, ça l'empêche pas d'être fasciné. sylvie, y'a que dans l'intimité où il enfile une robe et des talons, où il met des boucles à ses oreilles et du rouge sur ses lèvres. dans l'intimité et lors de cette sortie nocturne quotidienne, les seuls moments où il peut être elle. à cette époque, c'est pas très clair et assez tabou, le genre de sujet qui fâche et qui fait honte. mais il s'en fout, billy, même s'il passe son temps à se planter de genre. tout ce qu'il retient, c'est que sylvie rit à ses blagues et l'emmène au resto ; et que c'est la première personne à faire ça. évidemment, ça prend fin, tout prend fin un jour ou l'autre, plus ou moins bien.

s c e p t i c s
doute de tout, tout le temps ; le premier truc dont il a douté, c'est de son adhésion au groupe. faut dire qu'elle remonte à un paquet d'années, que c'était sur un coup de tête et pas franchement anticipé. un délire entre potes, un attrait particulier pour ces k-ways d'un jaune poussin criard et pour des théories du complot à deux balles auxquelles personne n'accordait le moindre crédit. aujourd'hui, les choses sont légèrement différentes. billy, il a jamais cru à ces conneries d'ovnis et aux petits hommes verts ((la guerre des mondes, ça n'a marché qu'une fois en 38)), mais il a toujours eu cette méfiance innée à l'égard des politiques et de ce foutu gouvernement. c'est dans ses veines, ça se transmet de père en fils ; alors, ces histoires de mutants, forcément, ça a retenu son attention. la zone d'ombre, à son sens, réside dans cette foutue météorite et les mensonges des politiques. le sous-sol dans lequel se tiennent les réunions, le qg, comme ils disent, c'est celui de sa boutique. y'a la porte de devant, celle de la location de cassettes vhs, et la porte de l'immeuble, à côté, le long couloir jusqu'à l'accès de la cave, puis le sous-sol aménagé. de l'association, billy est le trésorier. c'est assez surprenant au premier abord quand on le connait, quand on sait sa capacité à perdre sa petite monnaie ou quand on voit l'état de son appartement, mais curieusement au sein du groupe, ça fonctionne plutôt bien. y'a pas un centime qui traîne hors de la caisse et le livre de comptes est mieux entretenu que la bible elle-même.

quand il signe des papiers, dans le journal de l'association, il signe sous le pseudo de lee harvey. ça l'amuse, qu'il dit, de voir les chasseurs de fantômes paniquer à l'idée de jfk se retourne dans sa tombe 🗲🗲🗲 sa véritable identité, celle inscrite sur ses papiers d'identité, c'est william jonathan kennedy ; mais faut chercher longtemps pour la trouver. la légende raconte que lui-même l'a oubliée 🗲🗲🗲 chez lui, on peut admirer une collection de vinyles impressionnante, tous du même artiste : janis joplin. il interprète d'ailleurs cry baby comme personne 🗲🗲🗲 il possède encore la caravane de son enfance, hérité de son géniteur. elle est implantée sur une petite parcelle de terrain qu'il possède dans le quartier de nokomis et il s'y rend parfois, lorsqu'il veut réfléchir ou simplement s'isoler