I long for that feeling to not feel at all

► William n'avait pas encore dix ans, mais cela ne saurait tarder. Le garçon était au fond de la classe, mal à l'aise dans son uniforme. Il n'avait jamais beaucoup aimé porter de chemise et avec une cravate en plus, c'était pire encore ! Mais dans sa nouvelle école il n'avait pas le choix, maman le lui avait bien expliqué. Il ne l'aimait pas, cette nouvelle école. Il n'avait aucun ami ici et on se moquait de la couleur de sa peau. C'était le seul ici à l'avoir aussi sombre, mais était-ce là une raison ? Père disait que ce n'est pas important et que l'important maintenant que lui avait réussi dans sa vie, c'était d'étudier correctement pour être le meilleur et lui succéder. William n'était pas sûr de comprendre tout ce que cela impliquait mais ça semblait facile à dire pour lui, sa peau étant aussi blanche que celle de ses persécuteurs. Maman, elle, devait comprendre, non ? En tout cas si c'était le cas, elle ne laissait rien transparaître. Le professeur l'avait placé au fond de la classe et cela lui convenait bien. Les cours étaient certes plus compliqués que ceux de son ancienne école mais restaient assez simple pour qu'il termine le tout rapidement et trouve le temps de s'ennuyer. Au moins, installé où il était, il pouvait passer le temps en dessinant.

► « Dis maman, c'est comment le Brésil ? » Elle eut un sourire, comme si de bons souvenirs envahissaient sa mémoire. Ça avait l'air bien, le Brésil. Malheureusement, même s'il s'agissait là du pays de sa mère, William n'y avait jamais été et à écouter son père, ce n'était pas près d'arriver. Sa mère lui racontait parfois comment elle vivait avant d'émigrer aux Etats-Unis et de rencontrer celui qui deviendrait son mari. La vie là-bas semblait compliquée mais tellement plus colorée et intéressante qu'ici ! Ici, ses journées à lui se résumaient à étudier à l'école, avoir divers tuteurs pour lui enseigner diverses choses qu'il n'avait jamais demandé à apprendre et lire des livres qu'on lui imposait. Heureusement que maman était là pour lui raconter des vraies histoires. Père, lui, était très souvent au travail et lorsqu'ils se voyaient, c'était la plupart du temps pour s'assurer qu'il avait bien travaillé ou lui dire à quel point il était important qu'il réussisse dans la vie. Ses résultats étaient bons et jamais sous la moyenne de la classe voir même parmi les meilleures selon les matières. Son père n'en était pas fier pour autant. Il devait estimer que c'était là le moins que Williams puisse faire avec tout ce qu'il lui offrait pour réussir. Une chose qu'il ne lui offrait pas en revanche, c'était de l'affection. Leur relation était très formel car, selon lui, donner trop d'attention ou d'affection à un enfant était mauvais pour son développement intellectuel et émotionnel (entendez par là qu'il risquerait de développer un quotient émotif, chose inutile, voir gênante lorsqu'on fait de la politique comme son père).

► Les années ont passé mais c'est bien là une des rares choses ayant changé. L'école n'est plus la même et pourtant, est identique. Elle aussi n'accueille que des enfants de familles aisées. Elle aussi se vante de former l'élite de demain. Elle aussi n'a qu'un seul élève de couleur. Elle aussi tolère les moqueries concernant ce dernier point. William est à présent dans l'âge rebelle qu'est l'adolescence mais son père a bien veillé à ce que son éventuelle rébellion soit étouffée sous une montagne de devoirs et de responsabilités. Ses résultats à l'école sont toujours aussi bons car il sait qu'il n'a pas réellement le choix, mais sa vie l'ennuie. Il rêve secrètement de voyage, de rencontres improbables, de nouvelles expériences. De vivre. Mais faute de mieux, il continue dans sa routine.
Heureusement, un jour, un échappatoire se présenta à sa porte. Littéralement. Son père avait embauché une nouvelle bonne à tout faire, le genre qui vit à temps plein sur la résidence et elle était venu s'installer avec sa fille. Emma. Elle avait le même âge que William et la même couleur de peau. En cachette, les deux passaient du temps ensemble et l'enfant redécouvrait les joies de l'amitié. Enfin, il n'était plus seul.

► Cette fois ci, les années étaient passée et sa vie avait bien changé. La majorité approchant à grand pas, William s'était petit à petit libéré de l'emprise de son père. Evidemment, cela se faisait sans de grands conflits, son père lui reprochant d'être un idiot ingrat et de ne pas savoir qui importait dans la vie. Le garçon lui reprochait la même chose, l'ingratitude en moins. Il sortait après les cours rejoindre des amis n'allant pas dans la même école que lui et fréquentait même Emma. Ses notes, elles, étaient toujours aussi bonnes et William estimait que tant que cela n'impactait pas son travail scolaire, son père n'avait rien à y redire. Et qu'il était donc préférable qu'il ne le sache pas. Qu'on le laisse s'amuser un peu, bon dieu !

► Il venait d'avoir 19 ans la première fois qu'il s'essaya à la drogue. Rien de bien méchant, simplement un peu de cannabis. Maintenant qu'il était entré dans les études supérieures, il devait travailler bien plus dur que jamais et cela l'aidait à relâcher la pression en compagnie de ses amis. Il avait accepté de suivre la voie tracé par son père plus par défaut qu'autre chose. William ne savait pas réellement ce qu'il souhaitait faire de sa vie, le choix n'ayant jamais semblé lui appartenir. Puis refuser aurait signifié une relation bien plus compliqué avec son père (ce qui lui importait qu'assez peu) mais surtout que sa mère, placé en tampon entre les deux, en souffrirait. Jugeant que cela était un petit sacrifice pour elle, il avait consenti à apprendre sagement ce qu'on pouvait lui enseigner tout en profitant un peu de la vie avec ses amis.

► Avec le temps, il commença cependant à se reposer un peu trop sur l'alcool et la drogue pour palier le reste, peut être. C'était en tout cas l'avis d'Emma qui lui reprochait d'avoir changé. Mais elle ne pouvait comprendre ce qu'il vivait ! Elle qui était propriétaire de sa propre vie et sur qui on ne mettait aucune pression concernant son avenir autre que "ne devient pas une bonne à tout faire tout aussi, ma fille". Mais si elle souhaitait vraiment qu'il se calme là-dessus, avait-il vraiment le choix ? Non. Elle le forçait donc à lui mentir.
Tout cela se déroula d'ailleurs très bien. Jusqu'à ce qu'un jour, à l'université, on l'attrape sous influence. Les examens arrivaient, le stress était présent et il n'avait pas résisté à sa petite dose de relaxation durant l'une de ses pauses... Ni une ni deux, il fut expulsé de l'école. Un autre élève aurait certainement pu, avec l'argent de son père, racheter sa place dans l'établissement sous forme de dons mais il n'était pas un élève comme les autres. Lui était noir. Lui n'avait droit qu'à une seule chance et il l'avait utilisé. On le laissa passer ses examens de fin d'année en candidat libre, qu'il obtint avec succès mais à la rentrée, il allait se retrouver sans université.
Comme vous vous doutez déjà, son père n'avait pas accueilli la nouvelle avec enthousiasme. « Mais qu'est-ce que tu as dans la tête ! Après tout ce que je t'ai donné, tout ce que j'ai sacrifié pour toi ! Il ne te restait rien à faire pour réussir grâce à moi, tu n'avais qu'à m'écouter pour devenir comme moi ! Mais non, bien sûr ! Il a fallu que tu sois qu'un con parmi les autres ! Vous êtes tous les mêmes, peu importe l'éducation ! » Dans un premier temps, William avait pensé que son père parlait là des jeunes qui à ses yeux, étaient tous les mêmes. Puis, il comprit que non. L'homme lui faisant face n'avait jamais été réellement affectueux ni attentionné mais le fils était habitué et avait toujours composé avec. Mais là, il venait de franchir une limite dont il ne pourrait revenir.

► William avait maintenant 22 ans. Il n'habitait plus à Chicago mais dans le Minnesota dans un bel appartement avec que l'argent de son père avait financé, avec Emma. L'homme n'avait pas réellement eu le choix et ne l'avait évidemment pas offert de gaieté de cœur. Disons simplement qu'il tenait à ce que sa vie privée n'affecte pas sa vie politique et que William lui avait laissé comprendre que pour cela, il vaudrait mieux pour lui qu'il coopère un peu à son éloignement. Il retournait évidemment régulièrement voir sa mère et supportait le regard désapprobateur de son père le temps des repas de famille, pour le bien de celle l'ayant amené dans ce monde. Elle s'inquiétait pour lui, tout comme Emma, mais il ne cessait de la rassurer en lui racontant qu'il allait enfin pouvoir vivre sa vie à lui et non celle qu'on avait tenté de lui imposer, qu'il allait pouvoir se découvrir et être heureux. Peut-être même aller découvrir ses origines brésiliennes, si l'envie lui prenait ! Bref, qu'il était heureux car il était libre. L'avenir qui l'attendait serait radieux !

► Lorsque la pluie de météorites frappa, cela faisait plusieurs années déjà qu'il avait entreprit de se découvrir, de faire de nouvelles expérience et de vivre vraiment sa vie.
Emma n'était plus là, elle. Après avoir découvert qu'il n'avait cessé de lui mentir concernant ce qui était devenu ses addictions et après avoir réellement essayé de l'en sortir, elle était partie. Mais c'était mieux ainsi. William était le seul à pouvoir décider de ce qu'il voulait faire de sa vie et elle, tout comme son père, avait tenté de le forcer à vivre comme elle le voulait. De faire de lui un pantin dont on peut être fier et se vanter. Du moins c'était ce qu'il s'était dit, plusieurs mois après la rupture, pour tenter de l'oublier.
Ne supportant pas la solitude qui le terrifiait, il s'était trouvé une colocataire. Il travaillait dans un petit cinéma pour subvenir à ses besoins autre que le logement que son père payait encore pour protéger sa vie politique. Le soir venu, il sortait et lâchait la bride à ses addictions qu'il ne considérait pas en tant que telles. Après avoir passé sa journée à faire l'idiot et à revêtir son plus beau sourire, n'était-ce pas simplement logique que de chercher à VRAIMENT se sentir bien ? Comment chercher à retrouver ce sentiment de plénitude et de calme que seuls lui procuraient alcools et opiacés pouvait être mal ?
Quand les météores tombèrent, il se retrouva légèrement blessé dans la catastrophe mais heureusement rien de bien grave. En sortant de l’hôpital, il n'avait cependant aucune idée de ce qui l'attendait dans l'existence qu'il avait pourtant décidé de mener comme LUI l'entendait.