It takes two

La première fois était arrivée par accident, quelque part dans le mois qui avait suivi la découverte de son pouvoir. Le besoin de sortir, de se changer les idées, et il avait pris la direction d'un des parcs de Southwest, s'installant sous un arbre avec son carnet pour dessiner. Il ne savait pas à quel moment il avait sombré, ni du cauchemar qui avait provoqué l'expulsion de son esprit, mais parfaitement de la cellule vide dans laquelle il s'était retrouvé. La panique qui avait suivi, avant que son poing ne traverse la porte qu'il s'apprêtait à frapper de toutes ses forces. Le temps d'arrêt, et ce besoin de respirer pour se calmer, sans que ça soit possible sous cette forme. Le bruit de bottes dans le couloir alors qu'il se dépêchait de traverser, pour aussitôt regretter. L'envie de fuir, loin, le plus vite possible et le coup de poignard qu'il eut l'impression de sentir dans ses tempes en ouvrant les yeux, avant de rendre le contenu de son estomac sur le gazon du parc. De ramasser ses affaires et rentrer chez lui. De se recroqueviller dans un coin de la douche et pleurer, terrifié par ce qu'il avait vu, jusqu'à ce que l'eau devienne froide et bien après. Et passer le reste de la nuit à dessiner ce qu'il avait vu, avant de tout cacher dans le faux-plafond de la cuisine.

La seconde visite avait eu lieu quelques jours après Independence Day, principalement motivée par sa curiosité. Morbide, il en était bien conscient, personne n'aurait envie de passer son temps libre dans une prison s'il y avait un autre choix. Mais ce n'était pas n'importe quelle prison, et il préférait largement savoir ce qui s'y passait plutôt que d'attendre d'y être emprisonné pour le découvrir. Malgré l'aperçu qu'il avait eu, malgré les cauchemars à propos de l'endroit qui hantaient toujours ses nuits. Le quartier était plus tendu, surtout après la démonstration de Perséphone, mais il avait réussi à se frayer un chemin jusqu'au parc, puis jusqu'à l'arbre, un regard autour pour vérifier qu'il n'y avait pas de danger et ensuite... Aucune idée, il était debout dans la cellule vide de la première fois avant même d'avoir le temps de réaliser, le bras gauche dans le mur jusqu'à l'épaule. Ce qui voulait dire que son corps était tombé dans le parc, impossible de savoir les dégâts avant d'y retourner, ce qu'il ne comptait pas faire tout de suite. Une imitation de soupir et le reste de son corps avait suivi son bras à travers le mur, pour explorer un peu plus la prison de l'U-AM. La cellule voisine était aussi vide que la précédente, mais il y avait un matelas - ou du moins ce que le gouvernement définissait comme tel - et donc un occupant, même s'il était absent pour le moment. Dans la salle qu'il avait vu la première fois? Une autre? Une pire?

Machinalement il passa la main au travers de la table, prêt à continuer son chemin, quand du bruit près de la porte lui avait fait lever la tête. Un bref instant de panique, avant de se rappeler de son état. Il n'était pas "là". Il ne pouvait pas être vu. Ça ne l'avait pas empêché de reculer dans le mur jusqu'à être entièrement dedans, attendant le bruit de la porte se refermant pour sortir. Et rencontrer l'occupante de la chambre, du moins à ce qu'il devinait des formes du corps qu'on avait jeté dans la pièce. Oh luv', qu'est-ce qu'ils t'ont fait... Même s'il se doutait des grandes lignes, pour en avoir vu un exemple lors de sa première visite, sans réussir à comprendre comment quelqu'un pouvait faire ça à une autre personne. Instinctivement il s'était lancé pour l'aider à se relever, reculant quand sa main avait traversé l'épaule. Merde... Désolé je peux rien faire pour toi luv'... Pas faute de vouloir... Accroupi derrière elle une seconde, devant la seconde d'après, il essayait de voir si elle respirait toujours. Parce que même si je trouve un moyen de t'ouvrir la porte, tu fais quoi à la prochaine? Et la suivante? Et ensuite? Et une fois dehors? Et les autres prisonniers? Quelles conséquences aurait une évasion sur leurs conditions de détention, sur le reste de la ville, sur la façon dont étaient traités les mutants encore en liberté? Quelles conséquences pour lui? Combien de temps il faudrait à l'U-AM pour lui mettre la main dessus s'il décidait de s'en mêler? Parce qu'il savait qu'il ne pourrait pas vivre avec lui-même s'il choisissait de fermer les yeux maintenant, mais ensuite quoi?

Encore une visite qui lui décroche les larmes, encore des mots sur un ton glacial qui lui colle toujours les mêmes frissons. Les doigts qui serrent sa peau et laisseront de nouvelles marques sur son corps. Brooke, elle se vide de son énergie petit à petit. Elle n’a plus la force de se battre, de clamer son innocence. Pour eux, ils sont tous les mêmes. Tous affreux, dangereux. Certains se montrent parfois doux avec elle, lui apporte même de quoi prendre des forces. Elle n’a plus que la peau sur les os Brooke. Pas bien épaisse de base, elle fait peine à voir. Elle se laisse aller. Chaque visite se ressemble. Prise de sang, test divers, interrogatoire qui termine toujours de la même façon. Aucune réponse à donner, un cerveau qui se laisse avoir, qu'on peut facilement atteindre. Toujours les mêmes discours, la voix un peu plus faible, cassée, tremblante. Elle ne sait rien et ne comprend toujours pas comment son pouvoir fonctionne. Elle n'a aucun intérêt pour eux, mais ils ont l'air de s'en moquer. À croire que certains membres de l’unité AM aiment juste la bousculer, la torturer psychologiquement pour leur bon plaisir. Se sentir supérieur juste une fois. Au début, Brooke répondait, leur demandait comment ils agiraient si c’était un membre de leur famille. Serait-il aussi cruel, aussi dure ? Son frère l’est bien au final. L’ignorant totalement. Est-il comme ces hommes qui s’en prenne à elle ?

- Retour à la maison le monstre.

On l'a jette au sol. Les mains qui rappent contre le sol, ce rire diabolique qui se laisse entendre et puis, le noir. Elle s'est habituée à cette obscurité. Elle est à terre, couchée au sol, n'arrive même plus à se relever. Elle n'en a pas envie. A chaque fois qu'elle est prête à sombrer, il y a cette femme, tel un ange qui vient veiller sur elle. Un secret qu'elle garde de peur qu'il lui arrive malheur bien qu'elle ait cette force qui pourrait en faire fuir plus d'un. Un moment qu'elle n'a pas eu sa visite. Elle sanglote en silence et fini par se redresser. - sèches tes larmes Brooke, il ne mérite pas, il ne mérite plus.. qu'elle marmonne, les mains tremblantes s'approchant des joues. Elle aurait aimé avoir plus de force, avoir l'esprit clair pour avoir une nouvelle idée pour se sortir de là. Ils connaissent parfaitement son pouvoir et savent qu'elle est incapable de garder l'apparence d'un autre assez longtemps pour sortir d'ici. Elle garde chaque visage dans sa tête, se dit qu'un jour elle s'en servira pour se venger. Oui. Se venger de tous ceux qui lui ont fait de mal. Oh Brooke, que t'ont ils fait pour que tu te mettes à avoir des pensées aussi malsaines.

Ça l'avait rassuré de voir que la jeune femme, Brooke il supposait, était capable de se redresser. Un peu, à peine, parce qu'il y avait toujours ses mains tremblantes, les marques sur ses bras, cette chose brisée dans sa voix. Personne mérite qu'on te fasse ... "ça". Jamais. Les souvenirs de sa première visite, les cris qui résonnaient toujours dans ses cauchemars, alors qu'il se relevait pour faire face à la porte. Personne devrait avoir le droit de faire ça, à qui que ce soit... Il devait bien y avoir des lois contre ça, non? Un moyen légal pour au moins mettre ce qui se passait dans la prison sur pause le temps de trouver quelque chose qui empêcherait le gouvernement de continuer? Les Droits de l'homme? Les Conventions de Genève? Quelque chose dans la Constitution américaine? Mais il n'y connaissait rien et même en passant des heures à la bibliothèque il doutait que ça change quoi que ce soit. Vraiment pas son domaine, et beaucoup trop de mots compliqués pour lui. Et si je me pointe chez un avocat pour lui demander comment faire, soit je passe pour un taré soit je finis ici. Voire les deux. Retour à la case départ.

Il avait essayé de passer une main sur son visage pour aider sa réflexion, avant de se rappeler qu'il ne pouvait pas dans cet état. Déjà parce qu'il n'avait aucun sens du touché sous cette forme, et ensuite parce que sa main traversait littéralement sa tête vu qu'il n'avait aucune consistance. Et s'il retournait dans son corps pour le faire, il aurait plutôt envie de se couper la main à cause du mal de crâne et de ses sens surchargés par l'afflux d'informations, ce qui n'aiderait personne non plus. Sinon je trouve les X-Men locaux et ils pètent la prison... Et ensuite ils s'envolaient tous à dos de licornes ailées vers des lendemains meilleurs. Une imitation de soupir et il avait fait un pas vers la porte, pour se retrouver assis sur ce qui devait servir de lit à la jeune femme. Oui bon, peut-être qu'il avait surtout pensé qu'il devait s'asseoir pour réfléchir ... Parce que l'idée des X-Men n'était pas totalement stupide, dans les comics en tout cas. Dans la réalité... Rien que réussir à trouver d'autres mutants... Et ensuite il fallait qu'ils soient capables d'utiliser leurs pouvoirs relativement correctement, qu'ils acceptent de se réunir pour un but commun et qu'ils soient d'accord avec le fait de potentiellement risque leur vie et leur liberté en le faisant, et conscients qu'ils avaient plus de chance d'échouer que de réussir. En étant optimiste. Foutrement vendeur... Et c'est sans aborder la question des combis moulantes et/ou peu couvrantes...

Et après? Une fois cette "équipe" réunie, combien de temps avant qu'ils puissent agir? Juste faire de la reconnaissance et d'obtenir des informations demanderait des semaines, et c'était sans compter celles qu'il aurait fallu pour réussir à réunir ladite équipe. Qu'est-ce qui se passerait dans la prison pendant qu'ils cherchaient un moyen d'en faire sortir les mutants captifs? Combien de temps avant que l'U-AM comprenne qu'avec suffisamment de "persuasion" les prisonniers pourraient devenir des armes, si ce n'était pas déjà le cas? Sérieux Brooke si t'as des suggestions je suis preneur, je rame un peu là. Il avait eu l'impression que sa voix avait sonné différemment, sans y prêter vraiment attention, sa tête basculant à moitié dans le mur pour fixer le plafond à la recherche de réponses. Est-ce que c'était même une bonne idée d'essayer de réfléchir à un plan d'évasion venant de l'extérieur en étant à l'intérieur? Et puis il y avait toutes les implications d'un tel plan, les conséquences, les représailles qui viendraient, qu'ils échouent ou réussissent. S'il décidait d'agir, il n'y aurait pas de retour en arrière possible.

Elle se redresse Brooke, elle a les bras qui tremblent tellement elle est à bout, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Elle prend une grande inspiration, lève les yeux en l’air, passe sa langue sur sa lèvre inférieure avant de la pincer. Elle fixe le plafond et reste silencieuse. Elle en est presque à demander au grand patron, celui qu’elle a toujours mis de côté, de lui venir en aide. D’être désolée de ne jamais avoir cru à son existence et que si elle pouvait avoir un signe, juste un petit signe comme quoi elle va s’en sortir, elle fera tout en son pouvoir pour faire le bien, qu’elle reprendra le droit chemin. Ses jambes se plient, se collent à sa poitrine ses bras les entourant. Elle entend du bruit Brooke, ça hurle de l'autre côté de la cellule, le temps qu'un autre mutant soit embarqué, subisse le même sort qu'elle, puis, plus rien, de nouveau le silence. Un blanc pesant, qu'elle rompt la plupart du temps en marmonnant ou alors en chantonnant des airs qu'elle n'a plus entendu depuis un long moment maintenant. La musique, ça lui manque tellement. Elle aimerait pouvoir être chez elle, mettre un vinyle d'Ella Fitzgerald, fermer les yeux se couchant dans son lit, en se mettant à danser au milieu de sa cuisine ou encore en étant posé sur son canapé, les jambes repliées, griffonnant sur son cahier à dessin.

Elle ferme les yeux Brooke, se laisse partir de gauche à droite, s'imagine chez elle et elle en a presque un petit sourire qui illumine son visage. Elle le fait souvent, quand les journées sont bien trop longues, enfin, arrive t'elle encore à savoir quand le jour se lève et quand il se couche ?! Elle se perd dans ses pensées, se rappelle des souvenirs, reprend les meilleurs, qu'elle tourne en boucle encore et encore. D'un coup, elle sursaute Brooke, elle se tourne rapidement les yeux bien ronds, rempli de surprise. Pas encore. Qu'elle se dit un instant. Pourtant elle n'a pas entendu de pas, pas de cellule qui s'ouvre, rien. Elle a eu l'impression d'avoir entendu son prénom, d'un volume sonore, relativement important, comme si une personne se trouvait derrière elle. Tout prêt, pourtant il n'y a qu'elle dans cette cellule. Par pur réflexe, elle se recule vers le fond de la pièce. Ses mains se portent sur son visage. - voilà que tu entends des voix ma pauvre Brooke... Elle soupire. Déjà qu'elle commence à se parler à elle-même un peu trop régulièrement. Peut-être qu'elle s'est remémorée un souvenir du passé de manière un peu trop réelle et que cette voix n'était que le fruit de son imagination ou alors, était ce le signe qu'elle attendait après tout ?

Ça lui fendait le cœur de voir la jeune femme dans cet état, se berçant elle-même par terre. D'être aussi impuissant devant l'horreur de ce qui lui arrivait, même pas capable de lui dire qu'elle n'était pas seule. Juste bon à observer, à savoir sans pouvoir agir. Et même s'il avait pu, qu'est-ce qu'il aurait fait? Agir sans réfléchir avant revenait à se passer lui-même les menottes, et avec réflexion il restait un modèle réduit ne sachant pas se battre ou manier une arme. Qu'il détestait d'ailleurs. Même l'idée de lui, le pacifiste, allant se confronter à des personnes qui avaient choisi la guerre comme carrière était risible, au mieux. Ou ridicule et suicidaire, en plus d'être plus proche du fantasme que d'une quelconque réalité. Et il ne pouvait même pas se masser les tempes pour s'aider à réfléchir un peu plus. Et le plafond n'avait toujours aucune réponse à lui offrir, même pas un petit indice sur une éventuelle direction à prendre ou une voie à explorer. Rien, juste du blanc et quelques vagues reliefs de coups de pinceaux. Vraiment pas le genre qu'il préférait en plus.

Il avait à peine baissé la tête quand Brooke avait bougé, trop occupé à se non-taper la tête dans le mur dans l'espoir d'en faire sortir une solution acceptable. Pas comme si elle risquait de trébucher sur lui de toute façon, elle aurait même pu littéralement s'asseoir sur lui sans remarquer quoi que ce soit. Si en plus tu te mets à entendre des voix luv' on est pas sortis... Enfin toi surtout... Deux secondes... Quelles voix elle entendait exactement? Parce que le couloir était calme, à peine y avait-il pensé qu'il était tout contre la porte à guetter un bruit de l'autre côté. Enfin calme, si on omettait les cris et divers bruits de bottes qui auraient envoyé un frisson glacé dans son échine s'il avait eu des sensations sous cette forme. Mais à part ça, rien de l'extérieur qui aurait pu correspondre à une voix que Brooke aurait entendu. Alors ça venait de l'intérieur. De sa tête ou ... Tu m'entends??? Non ce n'était pas possible, sinon les autres gens près de qui il s'était trouvé dans cet état l'auraient entendu aussi. Ou alors... Ou alors c'était quelque chose qu'il pouvait contrôler, sans savoir comment. Comme plus ou moins tout ce qui touchait de près ou de loin à son pouvoir. Mais si c'était le cas...

Dos contre la porte, ou du moins pas à moitié au travers, il fixait Brooke, essayant de deviner si c'était bien lui qu'elle avait entendu. Parce que si c'était le cas... Oh il voulait tellement qu'elle puisse l'entendre, au moins pour apaiser un peu sa solitude dans cet endroit infernal. Leur solitude. Et là tu m'entends? Ou c'est juste quand je t'appelle? Et il n'était pas capable de savoir quand il était effectivement audible ou non, parce que c'était comme dans la réalité, il s'entendait parler. Pas possible de se fier non plus à l'écho éventuel, pour les mêmes raisons. Brooke? Non, vraiment pas possible de savoir si c'était bien lui qu'elle entendait ou une autre voix, ou autre chose dans sa tête. Ce qui était tout à fait possible, il faisait des crises d'anxiété à cause de l'endroit sans y avoir jamais été physiquement, alors elle... Si seulement il contrôlait plus son pouvoir, peut-être qu'il pourrait faire plus... Il voulait, mais comment? La tête baissée, il était passé à côté d'elle avant de reprendre sa place sur le lit, son torse se soulevant machinalement dans un soupir réflexe.

Les larmes qui coulent le long de ses joues, impossible à contrôler. Ce goût salé sur le bout de la langue qui vient se porte au coin des lèvres. Le dos contre le mur, les yeux perdus dans le vide, les doigts qui glissent dans ses longs cheveux salent, remplient de nœuds elle baisse les yeux un instant. Elle sait que ce bruit ne vient pas de la cellule voisine. Une communication qui s'est établie avec le mutant bloqué, juste à côté d'elle depuis peu, grâce à ce trou qu'ils ont réussi à faire grandir en grattant de jour en jour. Brooke aurait reconnu sa voix. D'ailleurs, voilà deux jours déjà qu'elle n'a entendu aucun son provenant de cette cellule. Qu'on il fait de lui ? Elle ne sait pas si elle veut le savoir blondie. Non, il est préférable qu'elle n'y réfléchisse pas trop.

Brooke ne pensait pas avoir le cerveau si fatigué qu’elle ait l’impression de ne pas être seule alors que si. Vraiment ? ou alors, peut-être que... son visage se redresse de nouveau regardant le vide. Les sourcils qui se haussent légèrement, les lèvres qui se pincent. Elle entend une nouvelle fois cette voix. là...quand... Elle ne reconnaît pas le timbre de cette voix, n'arrive pas encore à mettre un visage dessus, n'est même pas sur qu'elle connaisse cet homme qui tente de communiquer avec elle. Une chose est sur, ce n'est pas Cole. Elle le reconnaîtrait encore entre mille. D'ailleurs, il est où Cole ? On se le demande. Une rancœur si forte à son égard. En tout cas, une chose est sur, elle n'est pas folle, non. Enfin elle préfère se dire qu'il y a bien quelqu'un qui tente de communiquer avec elle. Elle veut juste un peu d'espoir.

Ses yeux qui cherchent, suivent la voix du regard, enfin tente en tout cas car elle n'entend que quelques mots. Brooke ?.. De nouveau son prénom. Elle n'arrive pas trop à savoir d'où ça vient. Elle redresse son corps, s'approche de quelques centimètres en restant tout de même assise au sol. Elle n'ose pas ouvrir la bouche. Elle se rend compte que cette voix n'est pas l'une des membres de l'unité AM qu'elle a pu déjà entendre depuis son arrivée. Elle commence à les reconnaître à force.  Ca aurait pu être le cas, certains aiment torturer psychologiquement ces pauvres âmes. Heureusement ils ne sont pas tous comme ça, mais quelques fruits pourris sont tout de même dans ce panier empoisonné. Quand elle entend son prénom, elle a son coeur qui s'accélère, mais dans le bon sens, comme si elle savait que cette personne, finalement, étant là pour son bien. Elle fixe la zone de la pièce où elle a l'impression que le son provient et se met à chuchoter. - il y a quelqu'un ? Elle a la voix qui tremble quand elle pose la question.  - je..je vous entends, mais.. les yeux qui se baissent une nouvelle fois en direction du sol. Un soupire, qui se laisse entendre. Elle aimerait tellement savoir qui est cette personne. - pitié.. Aidez-moi à sortir de là..

Même s'il ne les avait pas senti, il savait que ses sourcils s'étaient haussés de surprise. Elle lui avait répondu. Elle l'avait entendu. Il pouvait se faire entendre sous cette forme. Mais pourquoi maintenant, et comment? Qu'est-ce qui avait changé? La sortir de là... Sur le papier il était totalement pour, dans la réalité... Bien plus compliqué que ça en avait l'air, et il ne pouvait même pas ouvrir une porte sous cette forme, alors sortir quelqu'un d'une prison entière. Le prend pas mal Princesse mais je crois que je préférerais encore un bon vieux château et un dragon là... Pourquoi par l'armure et le cheval blanc aussi au passage tiens. Pour autant... Rien que l'existence de l'endroit le mettait hors de lui, au delà de la très saine peur que ça lui inspirait. Il n'arrivait juste pas à comprendre comment on pouvait faire ça à d'autres humains, parce que quoi qu'ils en disaient ils l'étaient toujours. Et ils avaient des droits, notamment celui de ne pas être traité comme des animaux. Pire, vu l'état de Brooke. Mais aucun avocat ne semblait vouloir s'intéresser à l'affaire, aucune association n'était réellement montée au créneau pour protester contre le traitement réservé aux mutants. Quant à celui qu'il connaissait... Mauvaise idée d'essayer de lui en parler, il pouvait le sentir d'ici.

Est-ce que ça changeait quelque chose au fait que Brooke, et beaucoup d'autres, n'avait rien à faire dans cette cellule sordide? Mais comment faire? À qui il pouvait faire assez confiance pour ce genre de mission clairement dangereuse? Même parler de son pouvoir était plus que compliqué, alors planifier une évasion... Revenant à la porte, il avait à nouveau passé la tête au travers, s'assurant que le couloir était toujours vide, avant de revenir près de la jeune femme. Ça va aller, ok? Je sais vraiment pas comment ou combien de temps ça va prendre mais on va trouver un moyen , d'accord? L'envie de la prendre dans ses bras et de la serrer fort contre lui, de passer une main dans ses cheveux et lui répéter que tout irait bien. Même s'il ne la connaissait pas, même s'il était presque certain de ne jamais l'avoir même croisée avant, même s'il n'avait strictement aucune autre raison que de vouloir la rassurer. Lui rappeler qu'elle n'était pas seule malgré les apparences. Malgré les conditions dans lesquelles elle vivait depuis déjà trop longtemps. Sa main qui avait traversé légèrement la joue de la prisonnière quand il avait essayé malgré tout un contact, se demandant si elle sentait quelque chose. Mais vu son absence de réaction au moment où il l'avait "touchée", il en doutait. Le mime de soupir, ses paupières qui s'étaient fermées. Vraiment pas sur le même plan. Je dois y aller mais je reviendrai, promis.

Et il avait tenu parole, une fois par semaine, le rendez-vous fixé instaurant une petite routine qu'il appréciait, bizarrement. Répétition et routine avaient quelque chose de rassurant quand tout semblait se casser la gueule autour. Quand il avait du mal à faire la différence entre le physique et l'astral, entre la réalité et ses angoisses. Celles qu'il attisait à chaque fois qu'il s'allongeait dans l'herbe du parc pour aller retrouver la mutante dans la prison à quelques centaines de mètres. Et la légère incartade qu'il avait fait à cette nouvelle habitude, obligatoire avec ce qui allait se passer le lendemain. Son sac qu'il avait posé à l'ombre du soleil de ce début d'août, la fraîcheur de l'herbe sous sa tête, à peine, avant de retrouver l'obscurité de la cellule. Du doux visage de Brooke, seule fort heureusement. Hey Princesse. La concentration pour essayer de garder sa voix basse tout en se faisant entendre, épuisante, mais il avait fini par plus ou moins comprendre comment ça marchait. Grâce à elle. Un jour d'avance, désolé. Venir près d'elle, et apparaître, juste assez pour lui sourire doucement. Ça aussi il y arrivait mieux maintenant, et encore une fois elle en était la raison. Parce qu'il avait voulu qu'elle l'entende, qu'elle le voit, qu'elle puisse se rappeler, semaine après semaine, qu'elle n'était pas seule. Qu'il était là pour elle. Ça va? Le même effort de concentration, épuisant malgré l'absence de corps à fatiguer, qu'il sentirait au moins en double une fois qu'il serait revenu dans son corps. Mais ça en valait la peine.