“Je juge un restaurant par son pain et son café.”

Faux nom ? Pourquoi est-ce que je lui donnerais un faux nom, ça n'avait aucun sens, je n'avais absolument rien à me reprocher et c'était ce que je tentais de lui faire comprendre en lui donnant mon identité, il pouvait me donner la sienne, enfin, même si je la connaissais déjà, mais ça, il n'était pas censé le savoir, ça ne regardait que moi. « Faux nom ? Vous voulez me vexer ? » Je reculais légèrement, enfonçant mon dos contre le dossier de la chaise qui n'était pas si confortable que ça, mais c'était toujours mieux que rien, j'attrapais ma tasse que je portais à mes lèvres sans le lâcher du regard, de toute évidence aujourd'hui il avait des choses à me dire et ça tombait vraiment bien, parce que j'étais prête à écouter, j'étais là pour l'entendre parler, même si je savais parfaitement que ça ne serait pas si facile que ça, je devrais sans doute lui tirer les vers du nez et bizarrement, c'était tout ce que je faisais de mon boulot, c'était ma vie aujourd'hui, alors j'étais prête à le faire. Une tête de bureaucrate, je ne savais pas si je devais me sentir vexer ou non, peut-être un peu, après tout il ne connaissait rien de moi, il ne savait pas d'où je venais, ce que j'avais fait, ce qu'était réellement mon métier alors, je pouvais comprendre sa réflexion, mais quand même un jugement si hâtif alors, qu'il ne savait clairement rien de moi. « Qui ne vous dis pas que je suis une simple serveuse ou vendeuse quelconque ? » Je ne dénigrais aucun travail, loin de là et encore moins celui de serveuse, je partais du principe qu'aucun travail n'était honteux, tant qu'il nous aidait à vivre ou survivre, tout dépend comment on voit les choses, mais là, je devais me défendre un peu. Je n'étais pas qu'une simple bureaucrate, j'étais bien plus que ça, alors oui, peut-être qu'il m'avait un peu blessé, touché dans mon égo. Malgré tout, j'avais hâte d'entendre ses questions, je refusais poliment la viennoiserie qu'il me proposait, je ne mangeais pas ce genre de choses et de toute façon, je n'étais clairement pas là pour ça. Un petit sourire se dessina sur mes lèvres, rien de moqueur, non, plus un sourire songeur, je déposais ma tasse et croisais les bras sous ma poitrine, sans pour autant répondre à ses questions, je réfléchissais, pas à la meilleure façon de lui répondre, mais plutôt, comment le faire. Devais-je le faire ? « L'alcool ne m'a clairement pas mené à vous. » Pour des raisons évidentes, je ne buvais plus d'alcool depuis très longtemps, même pas un verre, je n'étais pas une ancienne alcoolique, on m'en avait simplement dégouté. « Il se trouve, voyez-vous, que je sais des choses, que vous savez des choses et qu'il va falloir que vous soyez coopérant si vous voulez que mes infos arrivent jusqu'à vous. » Je n'allais clairement pas lui dire quoi que ce soit, mais il fallait que je fasse un pas dans sa direction si je voulais qu'il me parle. « Ah, c'est le fléau des amoureux du printemps. » Il me prenait réellement pour une idiote et dans un sens ça m'amusait, un peu...

Son insolence avait le don de me surprendre et en même temps pas tant que ça, mais je préférais ne pas relever sa réflexion, après tout, je n'avais pas de compte à lui rendre, il ne voulait pas croire que mon identité était la bonne, grand bien lui fasse, je n'avais absolument pas à me justifier sur quoi que ce soit. Autant passer à autre chose, je voulais simplement nous mettre sur un pied d'égalité, même si en réalité il ne savait sans doute pas que je connaissais déjà son nom et son prénom, autant garder ça pour moi, pour l'instant du moins. J'ouvrais les yeux, un air totalement innocent sur le visage, enfin, un air faussement innocent sur le visage, mes quelques mois de théâtre à l'école m'aidait beaucoup en ce moment, être insolent n'était pas du tout une qualité qui lui était réservé. Je posais doucement une main sur mon coeur, tout en le regardant légèrement choquée. « Attendez, j'ai dit ça, moi ? Ces mots là sont sortis de ma bouche ? Nous ne devons pas être dans la même conversation. » Je reposais ma main sur la table, plus précisément autour de ma tasse, que je tripotais plus ou moins distraitement. Il ne restait pas grand-chose à l'intérieur, c'était surement pour cette raison que je prenais mon temps pour terminer le nectar noir. « Je ne savais pas qu'une "simple" serveuse ne pouvait pas dire le mot coopérant, peut-être que ça ne fait pas partie de leur vocabulaire, si nous demandions à la jeune femme qui vous a gentiment servie les viennoiseries que vous dégustez avec avidité. » J'avais bien évidemment mimé les guillemets, parce que j'avais du mal avec la discrimination et encore plus envers les femmes, j'allais sans doute devoir calmer un peu la féministe qui était en moi, il n'avait sans doute pas dit ça méchamment, mais c'était juste plus fort que moi. Je tapotais mes doigts sur le bout de la table, mes ongles tintant d'un bruit plus ou moins agaçant, ça pouvait stresser certaines personnes, j'en avais conscience, personnellement, ça me calmait et je n'avais franchement pas l'intention d'arrêter. Un rire franc s'échappa d'entre mes lèvres, j'avais entendu beaucoup de choses dans ma vie, dans ma carrière, vraiment beaucoup, de tout, des bonnes, des mauvaises, mais celles qui me faisaient rires étaient un peu plus rare et je devais en profiter. « Vous pensez vraiment que ça va fonctionner comme ça ? » Soit il était naïf, soit totalement stupide ou alors, il pensait vraiment que ça allait fonctionner, que j'allais lui parler, lui dire ce que je savais comme ça, par simple sympathie de ma part, non, je n'étais ni stupide, ni idiote, ça n'allait pas le faire. « Vous répondez à mes questions et peut-être, je dis bien peut-être que je répondrais aux vôtres, sinon, je pense que cette conversation peut s'arrêter là. »

Je sentais que les choses allaient être compliqué avec le jeune homme assis en face de moi, de toute évidence nous étions deux êtres terriblement têtus et apparemment bloqués sur nos positions en plus de ça, mais je ne perdais pas espoir, il attendait quelque chose de moi et de toute évidence, je pourrais le faire parler comme ça, du moins, j'osais l'espérer. Je ne demandais même pas grand-chose, juste quelques infos, rien de bien méchant. De toute façon je n'étais pas en mission officielle, je n'étais pas vraiment là pour l'embarquer ou autre, juste voir si une collaboration était possible, mais de toute évidence, j'étais tombée sur quelqu'un qui avait la tête aussi dure que la mienne. Mon rire s'atténua, doucement, s'il pensait me déstabiliser, le pauvre, il se trompait lourdement, il en fallait un peu plus pour que je me laisse avoir ou que je prenne peur. Un léger sourire étira mes lèvres, un de ses sourires narquois qui voulaient dire beaucoup et peu à la fois. « Vous êtes divertissant, je dois l'admettre. » Je venais tranquillement croiser mes bras sous ma poitrine tout en reculant contre le dossier de mon fauteuil, mon regard parcourra la salle d'un air las, je ne savais pas réellement ce que je regardais, rien en fin de compte, je ne cherchais personne, c'était juste une façon de passer le temps. « Mes questions n'ont rien de minimes, sachez que je peux avoir tellement de façon d'avoir des réponses, je n'ai pas réellement besoin de vous, par contre vous, je ne suis pas sûre que vous pouvez en dire autant. » Mon regard se posa sur le jeune homme, j'attendais la moindre de ses réactions, je restais calme, terriblement calme, je n'avais aucune raison de m'agacer ou de me mettre en colère, lui par contre, je n'étais pas sûre qu'il réussirait à rester calme très longtemps. Mon regard suivi le billet qu'il sortait pour payer ses consommations, un petit sourire au coin des lèvres je l'écoutais parler, avant de légèrement pincer les lèvres. Je fronçais légèrement les sourcils avant de hausser les épaules, de toute façon, je n'avais pas grand chose à perdre, rien ne me forçais à lui répondre. « Quelles son vos questions ? Je verrais si oui ou non, je suis capable d'y répondre et si l'envie est là. »