Avec votre café, un peu de météorites dans la gueule ?

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Avec votre café, un peu
de météorites dans la gueule ?

Elle sert le café, nettoie les tables et laisse s'échapper de long soupire. Elle n'aurait pas dû être là ce soir Brooke, non, elle aurait pu être au Roller Club, à s'amuser avec ses copines. Elle a joué à pierre-feuille-ciseaux et elle a perdu. C'est elle qui remplace la serveuse malade. Il n'y a pas grand monde encore, quelques tables avec des familles qui viennent manger un bout avant d'aller faire une activité familiale surement, et puis, les habitués, dont un, qu'elle aurait préféré de pas avoir à servir. D'ailleurs, il lui fait signe avec ce petit regard qui lui colle les frissons à la blonde. Il passe commande et à les yeux qui se portent sur sa jupe un peu trop courte, mais elle n'a pas le choix que de porter cette tenue horrible. Ça lui manque l'époque où elle pouvait vivre de sa passion, où elle peignait jusqu'à au levé du soleil. Elle voit sa main qui se porte vers sa cuisse, elle donne un coup sur ses doigts.

- Johnny, ce n'est pas une façon de faire, tu le sais. Tu profites que le patron ne soit pas là ce soir, je vais le dire à ta femme, tu feras moins le malin.

Qu'elle lui dit en notant la commande sur son petit carnet avant de partir en cuisine. Elle revient avec les mains chargées pour une table au fond du diner. D'un coté, on lui demande la note, de l'autre côté du comptoir il y a la cloche qui indique que des assiettes sont prêtes. La seconde serveuse, elle a disparu, sûrement en train de se fumer une cigarette à l'arrière. Elle court partout Brooke et tente de garder le sourire, mais ce métier, il n'est vraiment pas fait pour elle. Quand elle prend en caisse la famille qui ne met pas longtemps à partir, elle voit le cadeau qu'ils lui ont laissé. Un pourboire ? Non. Juste une table dégueulasse. Elle bouillonne et quand sa collègue arrive elle lui fait comprendre qu'elle tombe à pic et lui montre la table en question. Il y a ce sourire de satisfaction qui se dessine sur son visage. Pauvre Brooke, elle qui était toujours si douce à aimer le monde qui l'entoure, ce travail la change. Elle a besoin d'air frais, de respirer autre chose que l'odeur du graillon. Elle va s'en fumer une, à son tour. Elle prend son paquet dans la poche de son tablier, vide. Tant pis, elle prend tout de même quelques minutes pour elle. Elle reste devant et croise une personne qui lui sourit, elle lui rend en lui souhaitant la bienvenue au Winnie's diner. Quand elle retourne à l'intérieur elle s'approche du jukebox et met un morceau un peu plus doux. Elle regarde autour d'elle et voit cette jeune femme assise ([Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]) seule dans un coin, là depuis un moment déjà, les mains sur sa tasse de café vide depuis un moment. Elle s'approche avec un large sourire.

- j'vous en sers un autre ?

C’était une journée comme les autres, quand tu y penses. Bruce était venue te chercher au cabinet, un énorme bouquet de fleurs dans les bras, la bouche en coeur et les bouclettes soyeuses. Dolores n’avait pas manqué une miette de ses élans d’affection qui t’embarrassent, son murmure a crispé ton sourire. « Désolé pour hier soir, Bébé. J’aurais dû te prévenir que j’avais un empêchement. ». Des rendez-vous avortés qui s'empilent, il ne te surprenait plus avec sa nonchalance irritante. Mais tu continuais de faire bonne figure, parce que t’étais comme ça, Keira. ((Potiche.))

Le reste de l’après-midi était parsemé de petites attentions et autre cadeau. Il était comme ça, Bruce. Il t’achetait avec des compliments, des balades romantiques, des babioles anciennes qui faisaient chavirer ton coeur. Et tu tombait chaque fois dans le panneau, plus fort, plus vite, plus profondément. Tu voies pas les choses venir, et même quand c’est le cas, tu fais semblant de ne pas voir les signes, tu les ignores, tu joues les idiotes jusqu’à ce que ça t’éclate à la figure. « Et si on se mariait ? ». Le retour en arrière était impossible.

Ta fourchette était restée en suspens, dans l’air, le morceau de salade prisonnier de ses dents de fer. Ses yeux étaient restés accroché au morceau de steak sur lequel il s’acharnait depuis deux bonnes minutes. Il avait encore un peu de jus de viande au coin des lèvres et les bruits de mastications avaient partiellement couvert sa demande. « Je te demande pardon ? ». « Quoi, t’as pas envie d’être ma femme ? ». « Ce n’est pas ce que j’ai dit, c’est juste que- ». « On est ensemble depuis deux ans, on s’aime, j’vois pas pourquoi t’hésites. C’est pas ce que tu veux, peut-être ? ».

Il y avait beaucoup de côtés de Bruce que tu aimais à la folie. Son rire chaleureux. Son regard doux et espiègle. Sa voix envoûtante. La façon qu’il avait de frotter son nez contre le tien avant de t’embrasser. Ses tirades passionnées dès qu’il abordait un sujet qui l’intéresse. Sa façon de te faire rire quand tu pleures, ses grimaces qui chassent tes larmes. Pourtant, il avait également ses mauvais côtés, et quand bien même tu t’efforçais de ne pas les voir, il y avait des jours où ils pouvaient te brûler les yeux. Tu te lèves, presque trop brusquement, ton plat n’était même pas entamé, ton bras était déjà enfoncé dans la manche de ton manteau. « J’ai besoin de réfléchir. Je t’appelle demain. ». La porte claque.

Le fond de ta tasse était froid depuis quelques minutes déjà. ((Egoïste.)). Il le savait, pourtant. C’est pas ce que tu veux, peut-être ? Tu lui avais dit que tu voulais une demande en mariage. Une belle demande. Avec le genou à terre et le coucher de soleil. Pas une question posée entre deux bouchées de viande avec un morceau de salade coincé entre les deux. ((Ridicule.)). Où était-ce le prince qui te tenait la porte et tirait ta chaise ? Le chevalier qui te protège de la pluie et t’offre son bras ? Où était l’homme dont tu étais tombée amoureuse ?

J’vous en sers un autre ? La voix de la serveuse a glissé sur la table avec la même chaleur que son grand sourire. Tes pensées en désordre, tes cordes vocales emmêlées, tu bafouilles légèrement. « Hein-Euh-Oui, s’il vous plait. J-Je pourrais avoir un peu de lait, aussi ? ».

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Avec votre café, un peu
de météorites dans la gueule ?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

La jeune femme à l’air perdue dans ses pensées et Brooke ça lui fait un peu de peine. Elle ne la connaît pas mais elle n’aime pas voir les gens tristes, elle a toujours un pincement au coeur. Cette jeune femme, elle n’a pas l’air de respirer le bonheur alors elle lui offre son plus beau sourire et lui serre un café. «  oui je vous ramène ça de suite. » Blondie, elle tourne la tête et voit débarquer Micky, son sourire ne peut que s’élargir en le voyant. «  salut toi ! Ça va et toi ? » Brooke, elle fait comme à la maison au travail, en plus le patron n’est pas là alors elle ne va pas s’empêcher d’aller parler quelques minutes avec son ami une fois qu’elle en aura fini avec la jeune femme. Elle hoche la tête quand il lui dit où il va s’installer. Elle quitte la table de la jeune femme pour aller lui chercher du lait. Elle prend une pâtisserie et la prend également. Une douceur qui ne peut pas faire de mal et qui remonte le moral. Exactement ce dont la jeune femme à besoin. Brooke ne met que quelques secondes avant de retourner la voir. Elle pose d’abord le lait. « tenez » puis la pâtisserie toujours accompagné d’un petit sourire « et ça, c’est offert par la maison ! N’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin de quoi que ce soit. » Elle prend son petit calepin rangé dans son tablier et s’approche de Micky «  Alors beau gosse, je te sers quoi ? » Elle prend note quand Micky passe sa commande et se met à rire en l’entendant « tu sais que j’arrive toujours à rencontrer les bonnes personnes au bon moment ! Là c’était le cas ! » un large sourire se dessine sur son doux visage « je t’apporte tout ça rapidement » Elle va apporter la commande en cuisine et lui apporte dans un premier temps la corona. Elle pose sa main sur la banquette et s'apprête à prendre la parole quand le vieux Johnny l'appelle. Elle lève les yeux au ciel, lâche un soupire et va le voir. Il est pas bien méchant, a surement une vie triste alors Brooke elle dit rien, laisse couler. Elle lui apporte ce qu'il demande et finit par attendre derrière le comptoir faisant un peu de place autour d'elle. Elle surveille du coin de l'oeil les gens dans le diner jusqu'à ce que la cloche retentisse pour l'avertir que la commande est prête. Du service rapide mais les commandes sont déjà toutes servies. Elle récupère l'assiette et quand elle commence à s'avancer vers Micky, il y a le sol qui tremble. Au début elle a l'impression que c'est juste ses jambes qui lui jouent un mauvais tour. Elle lui apporte l'assiette « et voilà pour Monsieur » mais la seconde secousse est violente, elle se retrouve à s’asseoir à sa table. On peut voir l'inquiétude dans son regard.

Le sourire de la serveuse apaise la pression qui saisissait tes muscles. Fossettes saillantes, mèches dorées, son aura chaleureuse pourrait presque te faire rougir -c’est déjà le cas, Keira- et tu la regardes en essayant de lui renvoyer la même expression, toute tachée de ton embarras naturel. Mais l’échange ne dure qu’un bref instant, un homme la rejoint, tu te figes lorsqu’il s’adresse à toi. ((J’aime pas quand tu parles à d’autres gars.)). Tu le remercies maladroitement d’un simple geste de la tête avant de te replonger dans ton café. ((Tu me rends fou, Keira.)).

La surface libre du liquide sombre stagne au fond de ta tasse. Et la conversation avec Bruce passe en boucle. ((Et si on se mariait ?)). Ton pouce caresse le rebord du mug. ((T’as envie d’être ma femme ?)). Tu fixes tes doigts nus, imagines une bague autour de ton annulaire. ((C’est pas ce que tu veux, peut-être ?)). Et Bruce, c’est ce qu’il veut ? C’est ce tu veux, toi ? ((Être mariée à Bruce.)). Tu déglutis. ((Passer ta vie avec lui.)). Tu fronces les sourcils. ((Porter ses enfants.)) Tu bats des cils. ((Mourir à ses côtés.)). Non.

Tenez. Tu sursautes presque, l’ange en tablier te ramène sur Terre. Le lait fume encore dans son récipient, une assiette glisse sur la table sous tes grands yeux surpris. Tu salives rien que de voir la courbe de la crème étalée sur le dessus de la pâtisserie, tu lèves la tête vers la serveuse. « Mais-Merci mais je-hum-d’accord. ». Et elle s’envole, tu la suis du regard avant que tes prunelles ne retombent sur ton festin sucré.

((Tu ne devrais pas.)). Le lait se mêle au café dans une spirale délicieuse, le mélange réchauffe ton corps, détend tes muscles. Tu t’attardes sur la pâtisserie. ((Ça va finir sur tes fesses, Bébé.)). Ta fourchette tranche, la crème glisse sur ta langue. Fuck You, Bruce.

F uc k Yo u.
Br u ce.
Le Karma te guette.

Des vagues se sont formées dans ton café au lait, tu as sentis les secousses jusqu’au bout de tes doigts. Les clients du Diner se lorgnent du coin de l’oeil, baignant dans une légère brume d’incompréhension, voire d’inquiétude. Et tu sens ton coeur bondir lorsque la seconde secousse arrive, tu t’agrippes au rebord de la table. C’est le Karma, Keira. Tu n’aurais pas dû t’enfuir.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Avec votre café, un peu
de météorites dans la gueule ?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

C’est peut-être la première fois de sa vie qu’elle vit un moment pareil, qu’elle a l’impression que le sol va s’ouvrir sous ses pieds et qu’elle va finir six pieds sous terre. Elle finit dans les bras de Micky. Elle n'a jamais senti de telles secousses. Elle, qui a toujours ce visage lumineux, n’affiche plus que de l’inquiétude. Son large sourire a disparu. Elle remercie son ami de l’avoir récupéré au vol et suit le visage de Micky regardant également dehors. En voyant les habitants se mettre à courir Brooke pose d’un geste rapide sa main sur celle de jeune homme qui se sert à la sienne, paniquée par la situation. Brooke, elle ose approcher son visage de la fenêtre et découvre le ciel. Elle voit des boules de feu. Est-ce la fin du monde ? Est-ce son dernier jour sur terre ? Intérieurement, elle est complètement paniquée, mais tente de ne rien montrer pour ne pas affoler les gens. D’un coup, tout se passe vite, tout devient flou et Brooke, elle a le coeur qui s’emballe. Les vitres qui éclatent en milles morceaux, les alarmes des voitures qui se déclenchent  couvrant les cris des gens à l'extérieur. Elle termine au sol, protégé par Micky. Une douleur qui lui fait serrer les dents, elle a les larmes qui coulent le long de ses joues. Elle ne regarde pas, mais elle sent qu’elle a quelque chose de planté dans sa jambe. Elle tourne la tête et voit les clients en panique. Certains sont sous les tables, d’autres couchés au sol. Brooke tape doucement sur le bras de Micky et lui montre la femme de tout à l’heure à terre. « Micky, la jeune femme près de la fenêtre, va voir si elle va bien s’il te plait … moi ça va aller.  » Elle détache son tablier et le prend pour éloigner au maximum les bouts de verre qui l’entoure pour pouvoir poser ses mains au sol et se redresser. Elle regarde autour d’elle et ses yeux s’ouvrent en grand. «  Johnny !!! » Une main se met devant sa bouche, ses lèvres tremblent et les larmes perlent toujours sur son visage. L’homme un peu trop grossier, mais pas bien méchant à la tête contre la table, un bout de verre dans le cou,. Il ne réagit pas. Il est sûrement trop tard. Il y a Nora dans la cuisine qui vient les rejoindre. Elle s’approche de Brooke et l’aide à se déplacer pour aller un peu plus loin des fenêtres.

Tout n’était qu’une histoire de destin avec toi. C’était le destin de ta mère de partir, sans ça, tu ne serais pas devenue aussi indépendante. Peut être que tu aurais été moins protectrice envers Ezra mais tu ne serais pas devenu aussi calme. C’était le destin de rencontrer Bruce. Seul homme qui avait su te voir comme tu étais, derrière ta timidité maladive, derrière ta maladresse sociale. Et le destin essayait peut être de te dire autre chose. Tu ne peux pas y échapper.

Les vitres éclatent, ta silhouette recroquevillée se terre sous la table. Toi qui t’étais toujours plaint de ta petite taille voilà qu’elle venait de t’éviter de prendre un éclat de verre dans la tête. Mais le temps n’est pas aux réjouissances, voilà que le chaos s’étale dans la pièce. Des lumières étranges émanent de l’extérieur, teintent les rebords des fenêtres brisées. Penchée, à quatre pattes, tu te glisses prudemment, une main après l’autre, hors de ta cachette.

Et là, c’est le choc.

Le feu ardent colore la palette sombre que forme le ciel. Les cris résonnent dans les rues. La chaleur a monté d’un cran, alimenté par l’ambiance angoissante qui s’est installée. Tu en perds la voix, le corps figé au milieu des débris de verres, tu mets un temps avant d’assimiler la situation. ((Respires.)). Ne te laisse pas avoir par la panique. ((Respires.))

Finalement, le mouvement s’intensifie de tous les côtés, ça perd ton regard, tu ne sais plus où donner de la tête. ((Fuir.)). Mais pour aller où ? ((Oh non.)) Voilà que ça te prend. Tu sens les larmes au bord de tes paupières. Tu ne sais plus quoi faire.

Certains disent que les expériences de mort imminente ou de très grand danger forcent les rétrospectives intérieures. Voir sa vie défiler devant ses yeux, ce genre de chose. Bien que fervente de ces clichés cinématographiques, ta déformation professionnelle faisait que tu n’y croyais pas du tout. Bien entendu, il y avait des gens qui repensait aux meilleurs ou aux pires souvenirs de leur vie dans ce genre de moment. Mais en réalité, le traumatisme qu’il vivait à l’instant T ne faisait qu’appuyer sur un point déjà existant, une vérité dissimulée par une fierté typiquement humaine. ((Rien que de l’arrogance.)).

Pourtant, alors que les comètes filent dans le ciel, tu ne penses à rien. Tu ne penses pas à ta mère qui vous a abandonné quand vous étiez enfants, Ezra et toi, laissant votre père anéanti par son départ. Elle ne te manquait pas, bien que tu te sois occasionnellement demandé si elle avait refait sa vie de son côté. Tu ne penses pas à tous ces garçons qui ont un jour fait battre ton coeur sans que tes regards amoureux ne les atteignent. Finalement, ils étaient tous plus insignifiants les uns que les autres. Mais surtout, et contre toutes attentes, pas une seconde tu n’as pensé à Bruce. Comme si, au final, il ne comptait pas. Avait-il déjà compté ?

En revanche, une forte pensée pour tes proches secoua ton esprit. Ton père et Ezra, l’un à la maison, l’autre probablement dehors. Billie, Seth, Jaden, Samuel, même Lily avec qui tu n’étais plus si proche que ça. Tes collègues, tes voisins, tous ces visages passaient en boucle. Et la main tendue déchire ta transe. Vous n’êtes pas blessée ? Tu bredouilles, saisies timidement la poigne pour t’écarter des bouts de verre. « Euh-oui, tout va bien, plus de peur que de mal. ». Tu n’as pas le temps de le remercier que l’homme s’éloigne déjà. Ton attention est cependant vite rattrapée par les signes de la demoiselle aux cheveux de blé. Le sang sur sa cuisse te fait accélérer le pas, l'inquiétude se lit sur ton visage. « Oh bon sang, tout va bien ? Je vais bien, il faut vous inquiétez pour vous. Quelqu’un a appelé une ambulance ? ». Tes yeux se perdent dans tous les coins et suivent finalement ceux de la serveuse vers l’extérieur. « Oh mon dieu ! » L’explosion vous arrache un cri à toutes les deux, tu la suis pour venir en aide au dénommé Micky. Tu passes le bras du garçon autour de tes épaules pour l'assister jusqu’à l’intérieur.

Une fois à l’abris, tu te faufiles derrière le comptoir à la recherche d’un téléphone. Tu cales le combiné entre ton oreilles et ton épaule, tu composes le numéro en tremblant. Jusqu’ici, malgré quelques paralysies causées par ta peur, tu arrivais à te maîtriser. Alors que la tonalité sonne dans le vide, tu rejoins rapidement l’espèce de petit groupe qui s’est formé. « Les lignes sont saturées. Comment va-t-il ? » demandes-tu à Brooke concernant Micky.

Les cris extérieurs, la chaleur insupportable, les débris de verre éparpillés sur le sol, le sang, l’angoisse, tu sens les palpitations de ton coeur s’emballer de peur et tu te fais violence pour rester calme. Quand tu travaillais à l’asile, il n’était pas rare de te retrouver dans des situations angoissantes, pour le patient ou pour toi. Avec le temps, tu avais appris à contrôler chaque muscle de ton visage, le froncement de sourcils, le pincement de lèvres, le pli de paupière, la mâchoire crispée, toutes les micro-expressions qui pouvaient suggérer que tu ne maîtrisais pas la situation. Car la crainte inspire la crainte et la confiance, le courage, tu regardes la serveuse avec un semblant d’assurance. ((Il faut rester calme.))

« Eh bien … Compte tenu de la situation, il n’est pas impossible qu’une ambulance passe par là. Il faudra rester vigilant … ». Coup d’oeil sur le jeune homme. Son impact contre le pare-brise passe en boucle dans ta tête, tes yeux suivent le sang qui tâche son front. Tes pupilles glissent ensuite sur la cuisse de la blonde. Sa marche est irrégulière et elle semble souffrir en silence. Vision globale sur le diner. Plusieurs clients sont également blessés, certains plus gravement que d’autres. Et les mots de Micky résonnent sans cesse entre tes deux oreilles.

« Après … Votre ami a dit que la route était praticable. Nous pouvons peut être emmener les blessés à l’hôpital. Je ne pense pas que rester statiques durant une “pluie” mortelle soit une idée judicieuse. ». Tu te mets à ronger nerveusement ton ongle observant les locaux. « Eh puis, en se rendant à l’hôpital, nous pourrons également prévenir les secours pour celles et ceux restés ici. Qu’en dites-vous ? ».

Alors que la collègue de Brooke revient avec tout ce qu’elle a pu trouver comme nécessaire de premiers secours, tu l’aides à panser les blessures factices de Micky, essayant de ne pas trop toucher aux plus graves de peur de les aggraver. Et plus ses plaies comblent ton champ de vision, plus il te paraît inévitable de partir d’ici. « Je peux conduire, au besoin. » que tu ajoutes à Brooke.