we should talk ▲ val x suri

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/!\ TW : tentative de suicide ratée

Ca le tue de l'intérieur. Cette foutue maladie qui l'empêche de penser comme les autres, de marcher comme les autres, d'être comme les autres. Qui l'empêche d'être normal. Une vieille amie trop possessive qui lui a pris vingt-quatre années de sa vie. Lui a volé ses heureux souvenirs et l'a fait prisonnier d'un monde de coton. Sans saveurs ni couleurs.
Et si sa maladie l'avait oublié ? Presque deux mois qu'il n'a presque pas de symptômes. Peut-être est-il guéri ? Pauvre petit Val, si naïf. Il y a cru. A cette vie tant espérée, tant rêvée. A ces amours et à ces emmerdes, ces risques à prendre qui donnent du goût aux jours qui passent.
Il s'est trompé.
Elle est revenue.
Ses rêves ont explosé en plein vol.
Une pluie de débris rouges et de larmes sur Minneapolis.

Ses parents ne pleurent pas. Ils ont l'habitude de voir leur fils embrasser la mort puis la vie encore. Ils connaissent les hôpitaux, les fausses bonnes nouvelles et les ascenseurs émotionnels. Ils ont eu vingt-quatre ans pour se faire à l'idée qu'un jour ou l'autre, Val n'aurait pas de lendemain.

Le médecin semble présager une sortie dans la semaine. L'hémorragie a failli lui faire perdre un rein mais l'organe a tenu et tout semble se résorber. Mais Val ne veut pas sortir.
Il sait.
Qu'aucun lendemain n'aura le même goût.
Il sait.
Que quelque chose ne tourne pas rond chez lui.
Il sait.
Et il aimerait mieux en finir.

Il a attendu que les infirmières le croient endormi. Que ses parents soient rentrés. Que le silence soit son plus fidèle allié. Il a pris les ciseaux de sa trousse à pharmacie et a dessiné de longs va-et-viens sur son poignet, en serrant les dents et en pleurant un peu. Il était résolu. Déterminé. Adieu, le monstre. Ses parents ne supporteront pas cette révélation. Il ne la supporte pas lui-même.
Il est l'un d'eux. Mais c'est fini. La douleur n'est rien comparée à celles qu'il a déjà éprouvé. Il taillade profond, avec précision, pour ne se laisser aucune chance. Une goutte perle et il sait qu'elle sera suivie par le reste. Il ferme les yeux et attend, son bras meurtri ballant dans le vide.
Bientôt, tout sera terminé. Plic.

Une goutte sur le sol.
Et le silence.

Val rouvre les yeux, jette un coup d'oeil à son poignet. Le chemin de la goutte est net, sinueux et équivoque. La goutte. Une seule. L'interrogation se lit sur son visage. Il serre le poing mais le sang dans sa plaie reste figé. Il y a pourtant une blessure, une rougeur sur sa peau, stigmates de la paire de ciseaux et de son morbide passage. Mais le sang ne bouge pas. Val s'épuise à secouer son bras pour poursuivre le funeste geste jusqu'au bout.
Puis il s'avoue vaincu.
Quand il veut vivre, son sang lui joue des tours.
Quand il veut mourir, c'est pareil.

Il se sent s t u p i d e.
Alors il pleure, les yeux fixés vers le plafond. Et il s'endort. Les sinueuses preuves de son échec en guise de tatouage délébile sur son avant-bras.

Le lendemain, il a caché la trace avant que les infirmières ne la remarque. Il a opté pour un tee-shirt à manches longues et garde son bras le plus souvent possible sous les draps.
On lui parle et il répond mais il se sent amorphe.
Il aimerait revenir à avant sa rencontre avec Suri. Avant qu'il pense à prendre des risques, à vivre vraiment. Il aimerait n'avoir jamais bu avec Misha. Il aimerait rester ignorant de ce qu'il sait.
Qu'il est un mutant. L'un des leurs. Potentiellement dangereux.

On frappe à la porte et il répond, sans quitter le plafond des yeux.
"Entrez..."

Soleil soleil, réchauffe-moi de ton sourire.

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Elle déboule dans sa chambre comme elle est entrée dans sa vie. Brusquement, bruyamment, un grand sourire sur le visage. Il ne s'attend pas du tout à la voir. Sa présence ici le surprend tellement qu'il se redresse aussitôt, s'asseyant dans son lit. Il ne sait pas pourquoi mais son coeur se met à vrombir comme un moteur et l'air se réchauffe un peu autour de lui.

Suri se jette dans ses bras et il la réceptionne tant bien que mal. Elle le serre et il l'étreint aussi, incapable de faire le tri dans ses pensées. "T'as encore ta tête Val, t'as encore ta tête, j'avais tellement peur que tu ais plus ta tête et tout, j'aurais pas pu te parler tu m'aurais pas compris et tout, j'avais trop peur!"
Le silence reprend ses droits dans la chambre d'hôpital, juste pour une inspiration, juste pour trahir le coeur de Val. "Je... je vais bien, Suri."
Lui qui voulait en finir, le voilà à sourire. Ce rictus lui déchire les commissures des lèvres, elles qui pensaient s'être figées pour l'éternité.

Il hume l'odeur de ses cheveux contre son nez et se rappelle soudain pourquoi (ou pour qui) il était prêt à sortir de son confort. S'ils ne s'étaient pas rencontrés, peut-être serait-il resté dans l'ignorance.
Finalement, Suri est sa kryptonite.
"Comment tu as su que j'étais là ? Tu..." Il réalise que son invitation dimanche était bien gardée sous silence et que personne n'était au courant. Personne n'aurait pu la prévenir. Il écarte Suri pour voir son visage. "Tu es venue dimanche ?"

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Il ne la quitte pas des yeux, à peine gêné de ce contact insistant. Elle s'écarte un peu, s'assoit contre ses tibias, au bout du lit.
Il l'imagine sonner chez eux, attendre qu'on lui ouvre. La boule au ventre, le sourire aux lèvres. Il la voit hésiter, frapper encore. Ne pas comprendre. Son imagination semble si proche de la réalité que son ventre se serre.

Il ne mérite aucune peluche, ni aucun présent. Pas plus qu'il ne la mérite elle. Il sent ses tripes se tordre et il grimace un peu. Il ne sait pas ce qu'il doit faire. Lui demander de partir ? La garder près de lui ? Lui dire la vérité ? Mentir ? La protéger ? L'enfermer elle aussi dans sa prison de coton dont il a tenté de s'évader au risque d'exploser en plein vol ?

-Je suis désolé Suri... Je n'avais pas prévenu mes parents que tu venais. Ils ne t'ont pas prévenue. Une petite seconde de silence, comme une inspiration, pendant lesquelles il baisse les yeux. Confus, gêné, désolé. Vraiment désolé que tu aies attendu chez moi.

Il tourne beaucoup de questions dans tous les sens mais aucune ne trouve de réponses satisfaisantes. Quand il exclut Suri de sa vie, il sent l'univers glacé se refermer et s'obscurcir. S'il la garde à ses côtés, il vit dans la peur qu'un accident arrive et dans le mensonge. Il n'y a aucun scénario convenable et ça le rend terriblement triste.

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Quand elle lui prend la main, il se rappelle les étoiles imaginaires dans le ciel du square, leur danse improvisée dans le bar, son regard interloqué face aux chocolats et aux fleurs.
Il revoit le fil de leur rencontre, de leurs sourires, de l'odeur de fruit rouge dans son haleine alcoolisée. Il a envie de pleurer.

Mais il retient ses larmes et se concentre sur le dos de la main de Suri, qu'il caresse avec son pouce doucement. Il l'écoute parler et laisse un sourire étirer sa bouche, rien qu'un peu. Pas suffisamment pour que les émotions ne s'échappent, elles qui sont juste derrière ses lèvres.

-N'accepte jamais rien de ce voisin Suri, c'est un conseil.

Il n'arrive pas à rire, le corps trop fatigué et douloureux, mais il aimerait l'accompagner. Redevenir aussi léger. Il sent que toute son âme voudrait suivre le chemin que Suri trace devant lui mais quelque chose l'en empêche.
Elle le questionne sur son pull. Il n'y a aucune raison de garder un pull. C'est l'été, il fait bon dans la chambre. Aucune autre raison que sa blessure sur le poignet. Alors, il ment.

-Non, ça va... je suis bien. Un peu rouge quand même. Mais il faudra lui passer sur le corps pour qu'il dévoile les marques de son échec.

Il sent les cernes sous ses yeux, gonflés par la fatigue. Il ne doit pas être beau à voir. Pas inspirant, pas protecteur. Il l'a expliqué à Hiram : celle qui osera partager sa vie se devra d'être bien plus forte que lui.

-Je suis content que tu sois là Suri... murmure-t-il en serrant un peu plus sa main. Mais... je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.

Il baisse les yeux, incapable d'assumer ses mots qui lui tranchent la gorge. Ses yeux s'embuent un peu et il aimerait surmonter le torrent qui menace le barrage de ses paupières. Un peu de courage, Val bon sang.

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Il faut réussir à lui dire. Tu mérites mieux, Suri. Mieux qu'un type comme moi, malade tous les jours. Qui risque la mort chaque fois qu'il se cogne le petit doigt de pied. Qui n'a pas le droit de boire. Qui lui apportera plus d'inquiétudes que de bons moments. Qui ne peut pas la protéger. Qui a toujours mieux connu les médecins que ses professeurs.
Qui déteste les mutants.
Mais qui en est un lui même.

Au lieu de ça, les mots meurent à la barrière de ses lèvres.
Il voit bien que Suri comprend qu'il n'est pas d'humeur joyeuse. Il y a quelque chose qui pèse sur son coeur et elle le ressent. Ils se connaissent si peu mais c'est son don à elle : l'empathie.
"Pourquoi tu dis ça Val ? T'as peur que je te refile une maladie ? Je suis pas malade promis !" Elle a posé sa joue sur leurs mains et son sourire s'éteint. Comme quand elle parlait de ses collègues, l'autre jour. Un côté de sa personnalité qui ne transparaît pas souvent, mais qui pique Val direct au coeur. Elle ne mérite pas d'être triste comme ça.
Il baisse encore les yeux et serre les dents un peu plus fort pour s'empêcher de craquer. Il n'aura qu'à dire que c'est à cause de la fatigue et se laisser verser une larme ou deux. De toute façon, il va lui mentir. Un secret de plus, un secret de moins...

-Val, t'es pas comme d'habitude, qu'est ce qui se passe ? La dernière fois on devait jouer aux cartes, et là... là... t'as l'air triste.
-Tu ne mérites pas d'être avec quelqu'un comme moi, Suri. Il lève vers elle ses yeux brillant de larmes retenues, prêtes à glisser le long de ses joues. Tu es un soleil, tu vois. J'ai pensé que toi et moi... qu'il pouvait y avoir quelque chose tu vois. Mais maintenant, je réalise que tu mérites quelqu'un pour te faire briller... pas pour t'inquiéter.

Une larme s'échappe alors qu'il lâche la main de Suri pour l'essuyer aussi sec, espérant qu'elle ne l'ait pas vue. Il se recroqueville un peu, ramenant ses genoux à son torse et passe une main dans ses cheveux, tirant nerveusement dessus. "Désolé, c'est... c'est la fatigue." Menteur.

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Au fond de lui, Val n'a pas envie que Suri s'en aille. C'est la raison qui parle. Alors oui, elle parle parfois un peu trop sérieusement mais il n'est pas question de l'en blâmer. Car sans elle, il est fort à parier que Val ne serait plus de ce monde aujourd'hui. Alors, il croit bon de l'écouter. Même si son coeur se fissure lentement, comme la surface d'un lac gelé.
Il sent la nervosité le gagner, les sentiments à fleur de peau. Une larme s'est déjà échappée, il veut revenir les autres. Rester le plus fort possible alors que son monde s'écroule. C'est ce qui devrait arriver si le soleil disparaissait. Le monde s'écroulerait.

L'ambiance devient grave et lourde. C'est le ciel qui commence par s'effondrer sur eux. Suri s'approche de lui et il n'arrive pas à la repousser. Elle pleure.
Son coeur manque un battement.
Il savait qu'il la ferait souffrir. C'est ça, l'amitié, l'amour, toutes ces relations humaines. C'est de la douleur perpétuelle, lancinante. C'est des sanglots et des mensonges, des blessures qui ne cicatrisent jamais vraiment.
Il reste recroquevillé, le corps de Suri à côté de lui. Le dilemme en lui est cartésien, sans nuance possible. C'est noir ou blanc. Froid ou chaud.
Il tourne la tête, trouvant le visage de Suri si proche du sien. Il pourrait essuyer ses larmes avec son nez, s'il s'en donnait la peine. Mais il les regarde couler. Et il perd à chaque seconde la force de ne pas l'imiter.
"Val" qu'elle murmure et ses lèvres à lui tremblent. Son visage se contracte un peu, il aimerait tellement l'entendre l'appeler comme ça. C'est si doux, si gentil. Il a besoin de quelqu'un comme elle dans sa vie. Mais il continue de se persuader que ce n'est pas réciproque. Il veut y croire pour arrêter d'hésiter. Il veut choisir un côté. "S'inquiéter pour quelqu'un, c'est un cadeau de la vie... S'inquiéter pour toi c'est un privilège Val."
Une larme glisse à nouveau et il se cache le visage tandis que son corps est pris d'un sanglot. Personne ne lui a jamais dit des choses comme ça. Ses proches tiennent à lui et l'aiment mais il ne s'est jamais senti précieux dans ce sens-là. Fragile oui. Pas adorable.

"Je tiens à toi... Un peu trop, peut-être ? Et tu sais, même le soleil, il a besoin d'ombre." Il réalise que ce quelque chose qu'il n'explique pas, ce sentiment qui le lie à Suri est réciproque. Ca le tue de comprendre que ça aurait pu donner quelque chose de bien, de beau. Peut-être qu'ils auraient pu être heureux. Mais elle ne sait pas tout de lui. Et même si elle savait, il est sûr qu'elle pourrait vouloir rester.
Entendre ces jolies choses, ça lui fait du bien. Ca lui met du baume au coeur qui se brise. Il est pourtant divisé, aimerait mieux que ça ne lui fasse rien. Qu'il soit glacé, en diamant. Imperturbable. Alors, il encercle ses genoux avec ses bras et attrape son poignet meurtri.
Il n'y a que la douleur pour le réveiller, le remettre en face des réalités.

Malade. Mutant. Useless.

Il grimace et le sang perle un peu sur son pull clair. Un peu. Comme une goutte, une seule. Loin du torrent qu'il aurait espéré pour abréger cette conversation.
Il ne veut pas parler. Les mots pourraient dépasser sa raison. Il est possible qu'ils ne soient pas d'accord, qu'ils préfèrent dire à Suri tout ce qu'il a sur le coeur. Alors, il se mord la lèvre et tremble un peu.
Pense à la douleur.

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Tout son corps se concentre sur la douleur qui auréole son poignet, remonte dans son avant-bras et courre jusqu'à ses doigts. Il a tailladé profond, jusqu'à la veine. Et si sa blessure ne semble pas décidée à le tuer, elle le fait tout de même beaucoup souffrir. Et s'il avait touché un nerf, ou un tendon, ou autre chose ?
Ses doigts semblent bouger normalement mais ce serait bien dommage de n'avoir fait qu'abîmer sa mobilité de la main. Heureusement que ce n'est pas sa main forte.

Toutefois, tout son esprit est occupé à penser à cette vilaine plaie. Il n'y a plus de Suri, plus de sentiments, plus de regrets ni de remords. Jusqu'à ce que : "Val ! Tu saignes !!" Il sursaute presque tellement l'exclamation le tire de sa désagréable rêverie. Suri grimpe sur son torse pour attraper le bras blessé et découvrir le tissu. Val donne toute son énergie pour garder son poignet secret mais il est faible, Suri lui marche dessus et bordel, il sort d'une hémorragie interne qui aurait pu lui être fatal... Alors, Suri finit par remporter la victoire.
Il a honte de ce qu'elle peut voir. Mais elle s'inquiète seulement pour la blessure, pas pour les raisons qui ont conduit à celle-ci. Il ne sait pas si elle est dans le déni ou si elle préfère consciemment de pas en parler. "T'es blessé Val ! Faut appeler une infirmière !"
Il regarde maintenant Suri et tente de lui faire comprendre que "Non, pas besoin" en ajoutant un mouvement de tête de gauche à droite. Il a un peu du mal à parler... Suri est toujours allègrement allongée sur sa poitrine.

Mais elle se calme et plonge son regard de jungle dans celui de Val. "On... On dirait que ton corps se répare tout seul ?" Le sang ne coule plus. Il est comme bloqué dans la veine, bien sage. Mais la blessure ne se guérit pas pour autant. Condamné à souffrir jusqu'à ce que cicatrisation se fasse.

Tendu, nerveux, stressé, Val se met à transpirer (mais c'est peut-être dû au pull, à Suri sur lui et à plein d'autres choses). Les yeux rougis par les larmes qu'il a versé, il n'arrive pas à quitter Suri des yeux. Il ne sait pas ce qu'il doit lui dire. Il ne sait pas ce qu'elle peut entendre. Il ne sait pas ce qu'IL peut entendre.

-Je... non il ne se répare pas 'tout seul'. Le volume de sa voix baisse jusqu'à presque disparaître.

La porte de la chambre s'ouvre sur une infirmière qui se fige devant le tableau. Val, avec une grande vivacité, rabaisse la manche de son pull pour cacher sa blessure. Priorité suspecte, quand on sait que Suri est littéralement allongée en travers sur lui.

-Qu'est-ce que vous faites, les jeunes ? lâche l'infirmière en souriant en coin, intriguée, avant de se raviser : Mademoiselle, je vous rappelle que votre... que Val a failli mourir et que ce serait plus sage de descendre.

Val ne bouge plus. Ne dit plus rien. Il est rouge écrevisse.

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L'infirmière pourrait rouler des yeux que ce serait pareil. Val est sensé sortir d'une crise hémorragique aiguë et le voilà à batifoler avec sa copine ? No way. Ce qu'elle ne sait pas, de toute évidence, c'est que pour une étrange raison, sa maladie n'est plus si simple que ça. Si simple elle a été un jour, bien sûr.

Suri s'écarte doucement et sagement. Elle n'a pas l'air de bien comprendre mais elle obéit. Puis, elle demande : Mais madame... Il a qu'une coupure Val, il va pas mourir, si ?
Val manque de s'étouffer. L'infirmière n'a pas connaissance de la coupure. Personne ne devrait avoir connaissance de la coupure. Il reste rouge et déglutit bruyamment. Suri lui jette un regard et il sourit à peine, un peu gêné. Il aimerait surtout que l'infirmière s'en aille pour expliquer à la jeune fille qu'elle doit garder le secret, pour sa blessure. Parce que ce n'est pas une blessure... "normale". Et parce qu'elle signifie beaucoup de choses sur l'état de santé mentale de Val, même si Suri n'en a pas pris encore conscience.

L'infirmière finit par s'approcher de Suri et lui poser une main compatissante sur l'épaule. "Vous n'étiez pas au courant ? Votre ami est... fragile." Elle a l'air désolée, et c'est maintenant Val qui lève les yeux au ciel. Certains membres du corps médical sont vraiment d'une empathie malaisante et hypocrite.
Cependant, Suri se tourne vers lui, les yeux pleins de questions. Val sait que c'est le moment de choisir. Soit il la garde près de lui, soit il la laisse partir. Enfin, il la force à partir.

Dans sa tête, ça va super vite. Il essaie de penser à l'avenir mais c'est un flou gaussien trop prononcé et il ne voit rien dans sa boule de cristal imaginaire. Il pense au présent, aux mots que vient de lui dire Suri. A ce qu'il pensait possible mais qu'aujourd'hui il remet en doute.
Puis il se demande ce qu'il veut. Au plus profond de lui.

Soleil brillant sur lune glacée.
Son choix est fait.

-Est-ce que vous pouvez revenir dans un quart d'heure, s'il vous plaît ? demande Val à l'infirmière. Elle acquiesce et tourne les talons, l'air toujours désolé sur le visage.

-Viens là, Suri, dit-il en lui tendant la main. Ses gestes sont tremblants et l'émotion est palpable. Tu sais garder un secret ?

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Elle saisit sa main et ça le rassure dans sa décision. Il croit avoir fait le bon choix. Il est temps de vivre, Val. Même si tu ne le mérites pas. Même si tu es un mutant.  
Il repense à la conversation qu'il a eu à peine dix jours plus tôt avec Hiram. Ces mots qui l'ont marqué, qui l'ont alors convaincu qu'il était sur la bonne voie. Je ne pense pas que cela signifie qu’il faut se contenter d’attendre. De rester planté là. Aide-toi et le ciel t’aidera, tu vois ? Il se répète cette phrase en boucle.
Le monde est violent, dur et cruel. Injuste, aussi. Ça il l'a bien compris depuis vingt-quatre années prisonnier de sa prison de coton. Mais il a décidé de devenir un homme, d'arrêter d'attendre et d'agir. Ce chemin n'a rien de doux, il en est conscient. Il fait ses premiers pas et déjà, les ronces lui lacèrent les mollets.

-J'ai peur que tu partes dès que tu sauras... mais tant pis.

Il sent la main de Suri fort serrée dans la sienne, ça lui donne du courage un peu.

-Depuis que je suis né, j'ai une maladie. Ça, c'est pas un secret. Dans ton sang, il y a plusieurs cellules différentes. Certaines d'entre elles peuvent... Il inspire et cherche ses mots, pour qu'ils soient les plus simples à comprendre. Le jargon médical n'a pas l'air d'être la tasse de thé de Suri et il aimerait qu'elle imagine ce qu'il se passe normalement, quand il se blesse. ...s'unir pour vite faire un barrage et éviter que le sang ne s'en aille. Quand tu te blesses, c'est elles qui te font arrêter de saigner. Chez moi, elles sont très très rares et du coup, quand je me blesse, il n'y a rien pour m'arrêter de saigner. Cette maladie s'appelle l'hémophilie.

Il marque un temps d'arrêt pour la regarder. Il est à l'aise avec ces explications sur sa maladie. C'est la suite qui le stresse. Alors, il vérifie déjà qu'elle est toujours avec lui, et pas perdue en train d'imaginer tout et rien.

-C'est clair jusque là pour toi ?

Il n'a pas envie de faire un cours de médecine mais puisqu'il ne lui a jamais dit qu'il était malade, il préfère le faire. Voir la peur dans le regard des gens, il est habitué. Comme ceux qui ne restent que par pitié, ou qui fuient par faiblesse et lâcheté. Mais il ne sait pas ce que Suri va faire. Il croit que c'est pour ça qu'il l'apprécie. Parce qu'elle est une surprise de tous les instants, pour lui.

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Il ressent la concentration de Suri quand il lui explique sa condition. Il a essayé de faire au mieux mais ça demande quand même une certaine projection ou une capacité à s'imaginer l'anatomie.
Val sait que Suri est une fille du présent. Elle navigue dans des eaux simples, sans se préoccuper outre mesure de la profondeur de l'eau ou de sa salinité. Elle pense plutôt aux poissons, au vent sur sa peau, à profiter de l'excursion.
Val n'irait pas dire que Suri est intelligente ou non. Il a eu la chance d'être enfermé avec des tonnes de bouquins, du temps pour les lire et du silence pour les apprécier. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Et parfois, il aurait aimé être comme Suri. Se laisser voguer au gré des courants sans penser à la direction du vent.

Elle lui dévoile aussitôt son bras, parsemé de bleus. Val a un mouvement de recul, ces hématomes ne lui rappellent jamais de bons souvenirs. Mais il s'efforce de répondre à son sourire. "Et tu sais moi mon corps il est super fort alors je dois en avoir de trop donc c'est normal de t'en donner tu vois !"

-C'est un peu ce qu'on fait... de temps en temps, on me fait des piqûres avec des petites cellules barrières. Mais ça ne me soigne pas vraiment, tu vois.

Il avance sa main vers le bras de la jeune fille et effleure les ecchymoses bleues, violettes et vertes. Il ne comprend pas pourquoi elle en a autant. Lui, ça lui arrive tout le temps, quand il fait pas attention, que son corps marque. Mais Suri... il imagine le pire.

-Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

Il ne voudrait pas l'entendre dire qu'on l'a frappée. Les mauvaises personnes sont partout. Et toutes ne sont pas mutantes... L'inquiétude pour Suri et son besoin de réponse lui font oublier qu'il a un secret à révéler.

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Elle retire son bras et Val a un mouvement de recul à son tour. Il a peur d'avoir trop appuyé et de lui avoir fait mal.

-Désolé... lâche-t-il aussi rapidement qu'elle a rompu le contact.

Pourtant, Suri rit un peu, avant de sortir une histoire qui ne convainc pas trop Val. Des coins de meuble, de la maladresse ? Il n'a pas l'impression d'avoir l'entière vérité mais chacun a ses secrets, non ? Peut-être qu'elle lui dira un jour, bientôt, ce qui lui est réellement arrivé. En tout cas, il espère obtenir bientôt d'elle qu'elle se confie à lui, comme il compte le faire bientôt... très bientôt.

Son histoire à terminer. Oui, il déglutit et reprend son inspiration. Il hésite à nouveau mais il est trop tard pour reculer. Il vaut mieux lui expliquer plutôt qu'elle raconte aux gens que Val avait une vilaine coupure sur le poignet. Si Suri a le filtre de l'insouciance, ce n'est pas le cas des autres. Elle a déjà failli mettre l'infirmière au courant, sans le vouloir évidemment. Heureusement que l'aide-soignante n'a pas relevé ni cherché à en savoir davantage.
Il relève sa manche, mettant à découvert son bras blessé. La plaie est profonde, on voit nettement la chair et la veine, presque à nue. Elle nécessiterait même quelques points, et surtout d'être désinfectée. Pourtant, le sang reste figé.

-Pour quelqu'un qui n'a pas de cellules barrières, ça te semble normal, Suri ? Que je ne saigne pas ?

Il la laisse répondre. Il ne sait pas s'il sera capable de lui dire les mots dans l'ordre. De lui révéler ce qu'il est. Il préfère qu'elle le devine toute seule. Comme ça, il pourra toujours crier haut et fort que Suri a rêvé, si elle devait le trahir, le dénoncer, ou rompre sa promesse de secret.

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Il n'est pas prêt encore à accepter. La maladie, c'est une chose à laquelle il s'est résigné. Son destin tout tracé par ses parents, les rêves qu'il a enterré, les romanesques aventures qu'il a mis de côté. Tout ça pour revenir à la réalité... rien n'est jamais figé dans le marbre. Alors, il a voulu lutter contre sa condition, vivre une vie différente de celle qu'on a préparé pour lui. Tout ça pour quoi ?
Pour finir mutant. Et voir tout son arbre des possibles exploser.
Oui, Val n'est pas prêt à le dire à voix haute.

Il tressaille de douleur et de gêne quand elle effleure les contours de sa plaie. C'est encore rouge, récent et brûlant. La honte d'avoir osé et de ne pas avoir réussi. L'inconfort d'avoir à s'expliquer.
Il secoue la tête de gauche à droite : non, il n'a pas de nouveau traitement. S'il te plaît, Suri. Un tout petit effort...
Elle finit par lâcher son bras et reculer. Val aimerait croire qu'elle a compris, qu'elle prend peur et qu'elle va fuir. Mais dans ses mots, dans sa voix, rien ne le persuade que c'est le cas.

-Val... Je comprends pas ce que tu veux me dire.

Le garçon rabaisse nerveusement sa manche et laisse l'anxiété le gagner un peu. Il se mord la lèvre à plusieurs reprises, serre un peu plus fort le drap entre ses doigts. Il n'y arrivera pas.

-Je le sens... quelque chose a changé en moi Suri. Les larmes lui reviennent et embuent ses yeux sans se jeter sur ses joues. L'angoisse lui fait hausser le ton, sans aucune agressivité. Ca n'est pas normal, que je ne saigne pas. Ca n'est pas normal que je sois moins sujet à des crises qu'avant.  Ce n'est pas normal ce qu'il s'est passé. Les larmes glissent sur ses joues et sa voix tremble, dans un cri qu'il n'arrive pas à étouffer. Il s'agite, essuie les larmes, agrippe ses cheveux et tire dessus. Mon sang a dessiné ton visage Suri.

Ces mots semblent être la conclusion à sa détresse et il s'apaise un peu. Comme s'il venait de se libérer d'un poids. Pourtant, il n'a pas prononcé le mot. Mais c'est tout comme.

-Je suis complètement perdu...

Il n'ose pas la regarde en face. Honteux d'être ce qu'il est. Honteux de ne pas avoir le courage de dire les choses telles qu'elles sont. Honteux d'avoir eu des mots si durs envers ceux qui partagent sa détresse. Honteux d'avoir cru qu'ils pouvaient tous être dangereux. Il ne se sent pas dangereux. Juste minable.