A cheval sur le deux-roues, elle parcourait les rues de la ville à vitesse modérée. Ce sentiment de liberté était indescriptible, exaltant. Souriant derrière son casque, elle profitait de l’instant comme s’il s’agissait du dernier. Le vrombissement du moteur sur chaque accélération provoquait une décharge d’adrénaline dans tout son corps doucement penché en avant. Pourtant, peut-être était-ce à cause de son père, mais jamais elle ne se frottait à l’illégalité à Minneapolis en tentant quelques Miles au-dessus de la limite autorisée.
Mais, hélas, cent fois hélas, si tout aurait pu n’être qu’une journée ordinaire, il avait fallu que, en pleine accélération, la bête qui se trouvait entre ses jambes ne lâche un cri de mécontentement. Fronçant les sourcils, Lula baissa le regard un instant, constatant qu’un voyant s’était allumé. Et merde. Ralentissant progressivement, elle finit par s’arrêter sur le bas-côté, mettant pied à terre. Elle portait des bottines en cuir noir ainsi qu’un veston et un pantalon qui avaient pour but de la protéger. Otant son casque et libérant sa tignasse sombre, elle se pencha doucement sur sa compagne de route pour essayer de voir ce qui avait pu lui arriver. De l’huile coulait doucement le long de la bécane, vidant peu à peu un réservoir presque sec. Grimaçant, elle sut alors qu’il ne lui restait plus grandes solutions à tout ceci. Il lui faudrait l’aide d’un professionnel rapidement.
Poussant l'engin jusqu'au petit commerce le plus proche, elle finit par le stationner devant avant de pénétrer les lieux. En toute humilité, elle interrogea le gérant de la boutique sur la possibilité de passer quelques coups de téléphone. Fort heureusement pour elle, l'homme d'un certain âge reconnut celle qui faisait vivre le journal quotidien de la ville et n'aurait su lui refuser pareil privilège. Empruntant le bottin, elle mit le doigt sur le numéro d'une station de dépannage et composa le numéro rapidement. L'homme qu'elle eut au téléphone l'informa alors de l'incapacité qu'ils avaient à intervenir dans l'immédiat, lui indiquant que deux heures minimum seraient nécessaire à une intervention. En deux heures, elle aurait presque pu résoudre le problème d'elle-même, non ? Déclinant l'intervention, elle raccrocha en soupirant. Plein de ressource, le gérant de boutique lui avait alors apporté une carte des commerces de la ville, cherchant le garage le plus proche. Là. Elle qui effleurait géographiquement le district de Phillips ne fut pas déçue de constater qu'elle allait devoir s'y plonger pleinement. Prenant le temps de mettre les choses en ordre, elle appela le bureau de son père pour l'avertir de ses mésaventures, ainsi que la rédaction du journal pour leur demander d'assurer la suite sans elle. Remerciant le commerçant et lui assurant un encadré publicitaire dans l'édition du lendemain, elle quitta les lieux, reprenant sa moto qu'elle poussa.
Ça n’avait rien de plaisant et il lui fallut une bonne vingtaine de minutes pour rejoindre le lieu repéré sur la carte papier. Soupirant, replaçant la bécane, elle dézippa son veston pour mieux l’enlever, révélant sa peau diaphane aux multiples peintures en noir et blanc ainsi qu’un débardeur gris foncé. Entrant dans le garage, elle chercha du regard quelqu’un qui saurait lui venir en aide. Puis, guidée par la musique entraînante des outils qui travaillent et de quelques voix, elle finit par apercevoir quelques hommes affairés à réparer une voiture. Se raclant la gorge, elle tenta de les interpeler. « Excusez-moi ? » Elle attendit qu’un regard ne se pose sur elle pour mieux reprendre. « Désolée de vous déranger mais j’ai un pépin avec ma bécane… Rien de grave je pense mais si vous pouviez y jeter un coup d’œil… »
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