when the party's over. (ft. rose) TW : ABUS D'ALCOOL.

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Il fait si sombre dans ton royaume. La lumière ne passe plus, la chaleur a disparu, le contact est rompu. Tu n’arrives plus à te souvenir correctement. Il y avait Tallula, au milieu du grand hall. ((Rien qu’un mauvais rêve.)). Le verre plein. Le verre vide. La demoiselle de ce soir posait trop de question, ta tête avait déjà commencé à tourner et ta langue s’est dénouée dans le mouvement agressif d’un fouet. Et sa margarita a fini sur ta chemise, le bruit de ses talons claquant rageusement contre le parquet a fait bourdonner tes oreilles. Le reste est flou. Un mélange de vodka pure, de scotch, de chose et d’autres. Le gérant t’a jeté dehors à l’approche du couvre-feu, sans s’inquiéter de comment tu allais rentrer chez toi sans te faire pincer par la milice. Car quand la nuit tombe, c’est chacun pour soi. ((Et toi, tu es seul.))

Tu titubes. Les rues sont désertes. Tu vacilles. Les portes sont fermées à double-tour. Tu perds pied. Les lumières sont éteintes. Chaque pas est plus difficile que le précédent, ta gorge s’enflamme, ta flasque brille dans la lueur lunaire de cette nuit sans étoiles. C’est la chute, l’arcade qui saigne contre le bitume, ça te fait rire parce que tu te dis que tu le mérites. Poussière et graisse de trottoir sur les genoux, sur les coudes, le mélange brûle ta plaie au visage alors tu recommences, une gorgée de plus, ça fera partir la douleur.
La douleur.
La douleur.
((Elle est toujours là.))

La clef t’a échappé des doigts, ta silhouette s’est cogné au mur du couloir, comme si l’espace avait perdu sa stabilité et que le monde se détraquait autour de toi.  Et finalement, la porte s’est ouverte dans un fracas incontrôlable. Ça claque derrière ton passage, ça fait grincer le parquet, ça fait couiner Lancelot réfugié dans un coin du salon. L’odeur de l’alcool inonde la pièce comme une radiation et tu es à peine capable de traîner ton cadavre jusqu’à la salle de bain. « Laisse-moi ... Laisse-moi tranquille … Laissez-moi tr- ». Ça remonte brusquement jusqu’à ta gorge, ça t’étouffe, ça se déverse sur ta chemise, sur la lunette des toilettes que tu atteins à peine. Ça te coupe le souffle avant de se relancer, ça brûle ta gorge, ton foi, ça fait couler ton nez, tes larmes. Ça coule, de partout. Ta flasque a roulé par terre, ton chien a fini par te rejoindre timidement pour s’endormir à tes pieds.
((Blackout.))

La nuit est morte sous les rayons puissants du jour. Toujours plongé dans un néant d’inconscience, tu ne sens pas le mouvement de Lancelot que se rue vers la porte d’entrée. Des talons qui poignardent le sol, une nouvelle odeur qui se mêle à celle du vomis et de la vodka. Des tintements de bouteilles vides, une voix brouillée, tu es incapable d’ouvrir les yeux.
((Laissez moi m’éteindre.))

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Mélodie de ses talons de princesse frappant le sol pendant que l’air frais du matin s’adoucit pour laisser place à la chaleur d’un après-midi ensoleillé. Le temps si parfait et pourtant cette intuition qui ne trompe plus et fait rater un battement à son cœur. L’âme sensible en alerte, sa main se fondant nerveusement dans la douceur de sa chevelure chocolat pendant qu’elle reste figée devant la porte. C’était pas la première fois qu’elle le voyait comme ça, le regard vide, submergé par une douleur qu’elle aimerait comprendre. L’organe indécis, et toujours cet espoir de voir son regard pétillant. L’odeur immonde retroussant son petit nez l’anéanti, les bouteilles qu’elle écarte brusquement de son chemin jusqu’à la source principale du désastre. L’image de l’homme par terre fait serrer sa mâchoire, le visage crispé de la poupée devant le cadavre pendant qu’elle essaye de ravaler autant que possible la colère qui monte en elle. Rien à faire. Le King n’est plus qu’une ombre, et aucune de ses larmes ou de ses caprices ne pourra rien y changer. L’énième rappel de son impuissance qui l’envahi pendant que Lancelot sautille joyeusement depuis son arrivée. Seul grain de bonheur dans la mer de souffrance. « Logan. » appel de détresse d’une rose aux pétales fragilisés. L’envie puissante que son escarpin gauche fasse la rencontre de la masse à moitié vivante, mais l’inquiétude surpasse la violence, comme toujours avec lui. Son corps frêle qui vient difficilement en aide à l’objet de ses derniers tourments, le traînant jusqu’à la baignoire. Impossible d’être douce, elle enlève seulement la chemise souillée et les chaussures de luxe avant d’activer l’eau froide. Gamine rancunière cherchant à le punir par tous les moyens, le regard accusateur. « Je te jure Logan que si je te revois encore dans cet état, l’eau froide ne sera qu’un doux souvenir en comparaison. » froideur de sa voix qui s’oppose à son visage éploré. Le bruit de l’eau qui s’arrête, remplacé par celui de ses talons indiquant son départ de la pièce après lui avoir lancé une serviette sans un mot. Poupée au visage fermé qui revient, le verre d’eau qu’elle lui tend sans vraiment le regarder. « Tiens. » dos à lui, assise sur le bord de la baignoire sans un mot, observant le bordel résumant assez bien la vie actuelle de son frère. Rage qu’elle contient, c’est pas le moment Rose. « T’en as pas marre de donner autant de boulot à la femme de ménage ? » tentative de conversation où son sourire ne tient pas la route. Comme si Rose s’était déjà souciée des femmes de ménage, le rire qui reste coincé dans sa gorge, trop nouée par la situation qui lui échappe. « Pourquoi tu peux pas redevenir comme avant ? » Les mains qui serrent avec force l’extrémité de la baignoire alors que sa voix est aussi brisée que son âme d’enfant.

La rivière douce-amère t’a emporté et suivre son violent courant t’empêche de penser au tonnerre qui gronde au dessus de ta tête. Tu t’y noie jusqu’à effleurer les profondeurs, encore et toujours plus, pourvu que tu n’entende pas la foudre s’abattre à la surface. ((La peur.)). Elle ne t’a jamais quitté, tu as essayé de l’affronter, sans succès. Elle t’a rongé jusqu’à l’os, tu es incapable de t’en défaire. La seule façon, l’unique façon, c’est de ne plus être toi. De quitter ton corps, de désactiver ton cerveau, de tout abandonner. ((De te laisser porter.)). Mais l’eau a inondé tes poumons et tu n’arrives plus à respirer.

Il y a quelque chose de rassurant lorsque l’on sombre dans les abysses. Sorte d’espace sombre, avec le temps, tu as découvert ce plaisir coupable d’y rester allonger en attendant la sentence. Douce souffrance qui se transforme en mutilation rassurante, tu continues de te faire du mal, encore, et encore, et encore. Car le fond ne semble jamais atteint, les ténèbres jamais assez sombre pour l’âme pitoyable qui hante ton corps. ((Roi Lamentable que tu fais.)). Et quand la couronne est trop lourde à porter, tu te laisses échouer dans la boue, le trône a déjà troué ta silhouette de toutes parts. Tu n’es plus que l’ombre de toi-même.

Et soudain, la douche froide. Ça t’arrache un sursaut, tu es propulsé sauvagement dans la réalité. « Putain, Rose ! ». Tu pestes, le squelette détraqué dans la bassine trop large, tes bras viennent machinalement protéger ton visage. Tu ne veux pas la regarder. ((C’est trop douloureux.)). Seul être humain ayant assisté à la chute du Roi que tu étais, tu peux faire bonne figure devant ton peuple mais jamais devant elle. Tu tombes en ruines et elle est toujours là pour te ramasser, brique par brique. Muet devant ses reproches, tu te contentes de fermer les yeux en laissant ta tête s’échouer contre les rebords de la baignoire. ((Ne me regarde pas Rose.)). Ton crâne est trop lourd à porter. ((Je suis pitoyable.))

Ta colonne craque alors que tu te redresses pour saisir le verre d’eau, pas un mot ne traverse tes lèvres. Tu as trop honte. Honte que ta fleur délicate te voit sous ce jour, elle qui t’a tant admiré. Tu sens encore la nausée saisir ta gorge, tu prends de grandes inspirations avant de te laisser de nouveau mollement dévorer par l’immensité de la baignoire. La question de Rose reste en suspens, finalement, ton rire amer résonne en écho. « Redevenir comme avant ? Comme avant quoi, Rose ? Vas-y, dis-le. ». Ton railleur, coeur en lambeau, tu n’arrives pas à voir la réalité en face. « Je vais bien. ». ((C’est tellement faux.))

Comment les choses avaient-elles pu changer ainsi ? Rose espérait encore voir son frère éclater de rire et lui dire qu’elle avait été folle de croire qu’il avait pu tomber si bas. Un king ne tombe pas. et pourtant pas de sourire ni de regard moqueur. Juste un homme qu’elle ne reconnaît pas préférant ignorer sa présence. La honte. Situation qui se répète sans qu’elle puisse rien y faire. Les premières fois, seulement la compréhension d'une soirée trop alcoolisée, la rose trop aveugle pour creuser plus loin jusqu’à ce que les moments se multiplient et que la peur de le perdre lui aussi ne vienne la forcer à regarder l’évidence : Logan allait mal. Princesse vivant sur son nuage rose tombe de haut lorsqu’elle comprend enfin, que les questions se multiplient dans sa tête sans qu’elle trouve le courage de les lui poser. Jamais le bon moment, ou peut-être seulement l’espoir qu’il se relève tout seul. C’est qu’une période d’égarement. Ça passera. Et maintenant elle était toujours là, impossible de le regarder en face lorsqu’elle lance la bombe. Jusqu’à quand ça va durer logan ? « Redevenir comme avant ? Comme avant quoi, Rose ? Vas-y, dis-le. » La bouche rosée qui s’ouvre sous la surprise avant de se refermer bêtement. Trou noir qui lui fait plisser violemment les lèvres. « Logan… » Second appel de la princesse impuissante. « Je vais bien. » Le mensonge qu’elle aurait aimé croire, mais au lieu de la vague de soulagement qu’elle aurait ressenti y’a plusieurs mois, c’est juste une phrase de plus qui vient faire bouillir ses veines. « …Tu te fous de ma gueule Logan ? » le regard trahis qu’elle peut plus retenir, le même sentiment qui vient torturer son esprit déjà à l’épreuve. La rose fait face à l’héritier king, ce qu’il en reste. Homme aux organes empoisonnés par les liquides nocifs, la couronne oubliée sur le bas-côté pendant qu’il se détruit doucement. « Regarde-toi ! Regarde la pièce ! Le pire c’est que c’est pas la première fois. Pourquoi tu veux pas voir ?!... » La rose qui cherche son regard sans le trouver, énième échec qui fait saigner l’organe battant. C’est dans ses moments que la princesse a l’impression d’être encore une enfant, la voix pas assez forte pour obtenir à la seconde l’attention désirée, jamais prise au sérieux. La petite dernière, prodige aux doigts dorés, le fardeau à protéger. « J’en ai marre de faire semblant que tout va bien, de rentrer dans ton jeu sans rien dire. Pourquoi t’es comme ça ? Pourquoi tu veux rien me dire ? » la voix qui s’affaiblit un peu plus à chaque parole. Suppliques implorantes de la jeune fille redevant l'enfant, l’eau brouillant sa vue sous les émotions incontrôlables. Situation qu’elle supporte plus, la dernière goutte qui fait déborder le vase, impossible de se retenir plus longtemps. Benjamine exigeant des réponses, le regard fixé sur l’homme en pleine déconstruction, le puzzle infaisable par les pièces qui disparaissent à mesure que ses yeux se ferment. Mais plus maintenant. Rose ne voulait plus être passive, détermination faisant briller ses billes vertes, ses petits poings serrés, prêt à percer la barrière de sa peau sous la puissance de ses émotions. Retournement de situation lorsque la gamine s’agenouille face à son aîné, la voix toujours tremblante, mais l’esprit qui s’éclaircit à chaque respiration. changement de tactique ou seulement ses émotions trop imprévisibles. Le caprice se termine, avec seulement le visage rougi de la crise. Le volcan de ses émotions, endormi, mais prêt à se réveiller à tout moment. « Regarde-moi… S’il te plait ? »

Si Père te voyait dans cet état, son regard te tuerait probablement. Ce mélange assassin du noir perçant de ses iris et du vert impérial de ses prunelles, couleurs meurtrières qui prennent la forme d’une lance aiguisée, pointée entre tes deux yeux. Douleur insupportable qui transperce ta peau, tes neurones, le sang inonde ta boite pensante, tu te noies dans tes propres pensées macabres. Et la figure paternelle reste de marbre, admirant la pitoyable chute de son successeur. ((Tu n’es pas ton père.))

Rose, fleur magnifique et délicate, a les mêmes épines empoisonnées que le Roi, toi qui a pris la faiblesse du coeur de la Reine. Elle te juge avec ses grands yeux vitreux, tu pourrais presque voir le reflet de ta médiocrité dans ses orbes. Mais tu la fuis, tu titubes hors de la baignoire, cheveux humides et peau recouverte des larmes invisibles de tes anges protecteurs. ((C’est tout ce que tu sais faire.)). Un oeil dans le miroir, ta mine affreuse hurle presque contre cette plaque réfléchissante.  « Y’a rien à voir. ». Continue de fermer les yeux, Logan.

Lancelot s’approche en te voyant sur pied, tu te penches maladroitement pour caresser la bête. Le contact est de courte durée, ton compagnon ne semble guère apprécier l’odeur que tu dégages. Rose, dans sa lancée, se laisser aller à un torrent de reproches et de questionnements. Que pouvais-tu lui répondre, après tout ? Admettre qu’elle t’avait brisé ? Que tu parvenais plus à fermer l’oeil sans t’assommer sous des litres de boissons alcoolisées ? Que tout semblait échapper à ton contrôle depuis cette nuit apocalyptique qui avait plongé cette foutue ville dans l’obscurité la plus totale ? Impossible. Trop d’éléments qui s’emmêlent, assemblage tortueux et chaotique d’une fierté de Prince et d’une angoisse d’enfant. Tu voulais lui dire mais tu ne parvenais pas à le faire.  

« Pour rien. Il faut croire que les gens changent tous un jour. ». Tu passes un peu d’eau sur ton visage, saisie ta brosse à dent pour te débarrasser de cet affreux arrière goût métallique qui pourri ta bouche. Tu frottes, fort, encore plus fort, tout pour te défaire des restes d’une soirée pathétique, tout pour oublier ces images, de toi, de l’ombre qui plane au dessus de ta tête. ((Tout effacer.)). Dans le rejet de la pâte de fluor, des filets de sang, gencive blessée qui tire sur ta mâchoire, tu te redresses finalement, tes doigts remontent jusqu’à la plaie sèche gonfle ton arcade. Fais chier.

La mélodie de Rose continue, elle tire tes yeux vers les siens, demande ton attention. Tu glisses délicatement tes mains sur ses épaules.  « Je suis juste pas aussi fort que je l’aurai cru. ». Le coup de la Reine de la Nuit fut trop brutal, trop soudain. Voir un Roi s’abaisser jusqu’au sol pour ramasser les morceaux de ce qu’il reste de sa couronne n’a jamais été aussi pénible.

Changement radical du personnage qu’elle avait toujours connu. La peur qu’elle repousse, la volonté de s’imprimer dans le crâne que ces instants ne sont qu'éphémères. Tout rentrerait dans l’ordre, comme d’habitude. C’est comme ça qu’elle retrouve son calme, l’esprit qui s’apaise au maximum afin de pouvoir essayer de communiquer, de changer le regard éteint, de rallumer une lumière ou deux.
« Je suis juste pas aussi fort que je l’aurai cru. » le regard qui reste vague quelques minutes pendant que les réponses restent marquées d’un point d’interrogation narquois. L’ignorance lui brûle la peau, alourdissant son souffle, la rose épuisée mentalement rien qu’en regardant l’état de ce qu’elle pensait être son double. Les différences entre eux commencent par les blessures parsemant le corps puissant recourbé sous le malheur. Première fois que le frère baisse les yeux, le regard éteint par une force trop importante, par un savoir trop immense, difficile à supporter. Mais lequel ? Le regard émeraude se concentre à la vue du sang séché qu’elle se prend à haïr, maudissant mille fois encore le porteur des coups abîmant le visage du King. « Tu devrais t’asseoir quelque part. je vais essayer d’arranger un peu ton visage. » le calme de sa voix surprend l’enfant en elle, toujours accrochée à son innocence de petite fille aux vêtements dorés. Maintenant elle regarde la couronne brisée avec l’espoir de pouvoir la réparer.
« ça va sans doute faire mal… Enfin, peut-être que ça te réveillera un peu. » le sourire diabolique au coin des lèvres n’arrive pas à effacer les questions toujours présentes dans ses yeux. Cette impression de louper une information essentielle lui picote désagréablement la peau pendant qu’elle applique l’alcool sur la blessure. Concentration de son travail qui s’interrompt brutalement alors que s’inscrit en lettres capitales la réponse à toutes ses questions. « Vous vous êtes disputés, c’est ça ? Avec Tallula. » seule réponse plausible, rien qu’à regarder les yeux du King, rose peut voir la vérité qu’elle a touché du bout du doigt. Impossible pour rose de comprendre que c’était plus qu’une dispute, bien plus que deux adultes avec deux points de vue différents. Impossible pour la rose de sortir de sa bulle où la vie n’avait pas changé, pas totalement. L’esprit inconscient du danger rodant à tout instant, ignorant les chaînes d’informations pour rester dans son monde, s'y accrochant jusqu'à se briser les ongles. Privilégiée.

Il y a dans l’ascension folle d’un Roi quelque chose de trompeur et vicieux. Il monte les marches dorées qui mènent au trône sans jamais penser à la chute, persuadé que sa couronne le maintiendra dans la lumière. Et finalement, l’obscurité le rattrape et sa tête roule jusqu’au fond des abysses. Tu n’es pas différents des autres seigneurs, les yeux aveuglés par l’ambition et la réussite, tu ne voies pas les flaques d’angoisse et de souffrance dans lesquelles baignent tes chevilles d’argent rouillé. Alors la crasse te dévore à petit feu, grimpe vicieusement jusqu’à ton coeur et recouvre tout le reste avec. ((L’or se noie dans la boue.)).

La Princesse King s’applique à ramasser les morceaux de la couronne brisée, essaie de ne pas se couper les doigts avec. Tu l’écoute docilement, prends place sur le rebord de la baignoire en silence. Son plaisir sadique face à ton éventuelle douleur t’arrache un faible sourire, tu la regardes sans vraiment la regarder. Tu es juste absent. Le nuage de coton imbibé d’alcool pharmaceutique incendie ta peau lésée mais tu ne sembles pas réellement en souffrir. Comme si plus rien n’avait d’importance.

Finalement, la brûlure réagit à l’évocation du prénom maudit, déclenche un geste de recul, comme si tes terminaisons nerveuses s’étaient soudainement réveillées. ((Tallula.)). Ton coeur s’affole. ((Tallula.)). Ta colère se noie dans ta tristesse. ((Tallula)). Ta gorge te gratte et tu n’entends plus que le verre des bouteilles rouler contre le sol froid. « Ça n’a rien à voir avec elle. ». ((Mensonge.)). « Ça fait plus d’un mois et demi qu’on a rompu, je suis passé à autre chose. ». ((Mensonge.)). « Tu devrais en faire autant. ». Qui essaie-tu de convaincre, exactement, Logan ? Rose, qui semble incapable de quitter son monde fantaisiste où seules les dorures de ses vêtements et les pluies de billets verts attirent son regard ? Ou alors Tallula, ton âme soeur, aussi écorchée que toi, que tu as lâchement abandonné par peur de lui offrir ton dernier souffle ? Il n’y a que toi qui refuse de voir la vérité, Logan.

Tu n’y arrivais pas. Tu n’arrivais pas à admettre que tu avais fait une erreur. Tous les mots que tu as pu lui dire, toutes les femmes, les hommes que tu as fréquenté pour l’oublier, tous les litres d’alcool que tu as bu, rien n’y fait. Tu n’arrives pas à la sortir de ta tête. Elle, tout son être, mais aussi tous les cauchemars qui l'accompagnent, cette peur insupportable qui te colle à la peau, qui fait fondre tes os et te noie dans un océan de chair en fusion. Il serait pourtant si simple de revenir vers elle, de s’excuser, de l’embrasser jusqu’à perdre souffle. Mais là était tout le paradoxe. Ta délivrance serait aussi ta condamnation.

Tableau déchiré d’une famille où les couronnes ne sont que de vastes vestiges, l’orchestre jouant la perte d’une autre diadème pendant que les autres se désintègrent peu à peu, le père King se raccroche à la preuve de sa royauté tâchée par les larmes et le sang. Les morceaux éparpillés continuent de se briser dans une drôle de symphonie, accompagnée des cris de rage de l’homme qui pensait être roi. C’était beau, les larmes des sœurs king, la rose à genoux essayant de reconstruire l’impossible, les mains en sang. Son trône à l’abandon pendant qu’elle s’efforçait de vouloir retourner en arrière, la candeur sur son visage ravagé par les larmes. C’était beau.
Petite main appuyant aussi doucement que possible sur la blessure, ça rappelait des souvenirs. Petite rose donnant un baiser sur la joue rougie de son frère avec la certitude d’avoir fait partir la douleur, sans voir que la rougeur prenait bizarrement la forme d’une main. correction du père king. Le regard qui préfère fuir et ne voir que la beauté d’une vie où les seuls problèmes étaient de savoir quoi acheter comme nouveau sac de marque. Problème d’une king préférant ignorer la réalité, et maintenant la voilà face au prince king et ses yeux vides. Impossible de fermer les yeux sur la douleur de son propre sang, le désastre représentant l’état actuel vient piquer son cœur de ne pas avoir réagi plus tôt.
La solution en un seul mot : Tallula. La vie reprend possession du corps de Logan et la joie fait battre des paupières ses yeux de biche face à ce changement. Inconsciente de la douleur, rose sait pas ce que c’est l’amour, seulement habituée à désirer une personne ou un objet sans y voir une grande différence. La rose est plus insensible qu’elle ne le pense, l’ignorance de son regard redonne une certaine pureté à son image.
« Ça fait plus d’un mois et demi qu’on a rompu, je suis passé à autre chose. »
« J’espère que c’est une blague. » Stupéfaction que son visage ne cache pas, mais impossible de croire vraiment à ses mots lorsque son regard balaye une fois de plus la pièce du regard. destruction. Souffle qu’elle retient de justesse, les lèvres compressées en une moue contrariée. « T’as intérêt à vite arrêter tes conneries et aller la voir pour t’excuser d’avoir oublié que vous êtes faits l’un pour l’autre. Et tu sais que j’ai raison pas la peine d’ouvrir la bouche Logan. » impossible de manquer le regard amoureux de son frère, ou même la bague de fiançailles qui devait sans doute toujours se cacher dans l'appartement. la bague qu'ils avaient choisi ensemble.
« Quoi qui est pu se passer, tu devrais affronter les choses, comme un king. J’aimerais vraiment pas à avoir à en parler à la trinité. » Frisson d’horreur traverse son petit corps, imaginant déjà les cris des trois sœurs.
Pourquoi ne pas en avoir parlé plus tôt ? Pourquoi avoir attendu la dernière minute ?
Logan ne serait pas le seul à avoir les oreilles en sang, pas quand rose connaissait son état depuis un moment déjà. « Non… Vraiment pas. » grimace d’enfant peureux pendant que la rose marmonne dans son coin, finissant les derniers soins.  

Les statuts de marbre précieux que représentent tes souvenirs avec Tallula sont fissurées mais pas entièrement en ruine. Droites, des éclats de pierre brisée sous les yeux, dans le coeur, entre les paumes mais l’ensemble ne cède pas, refuse de s’effondrer. Et toi, tu les regardes, l’esprit brouillé par le poison de ses baisers terribles, tes larmes ont le goût de la liqueur et tes sanglots tintent comme des verres de cristal débordant de vin. Les sculptures de ton bonheur enterré sont plus fortes de ton esprit de Prince déchu. ((Tu es faible.))

La voix capricieuse de Rose fend l’air comme la lame meurtrière d’une guillotine. Ça te pique la gorge, ça fait rouler ta tête et l’assemblée imaginaire applaudit de tout son sous. Chez les King, on admets pas ses défaites. On se comble dans un silence royale en ignorant le chaos des représailles, on avance sans se remettre en question, la tête haute et la couronne aveugle. La princesse s’est perdue dans les couloirs sombres du château, pas assez dorures, pas assez de joyaux, elle plisse les yeux et pleurniche jusqu’à ce qu’on lui rende son dû.

« Non. »

Ta voix a fait trembler le carrelage de la salle de bain dans un grondement princier. Le bleu royale de tes yeux s’est chargé d’électricité, incendie cyan au milieu de ce visage livide. ((La couronne brille soudainement.)). « Non, ce n’est pas une blague. ». Et ça te fait mal de l’admettre. « Non, je ne me remettrais pas avec elle. Si je te dis que c’est terminé, c’est terminé. C’est clair ? ». T’as les cordes vocales qui tremblent. Tu voulais pas que ça se termine. ((Tu ne voulais pas.)). Mais il était hors de question que tu rebrousses chemin, que tu t’excuses pour avoir échapper à la mort, que tu fermes les yeux que ce qu’il s’est passé. ((C’était trop tard.)). « Et Non, tu ne vas pas prévenir la Trinité. Ça ne les regarde pas. Et ça ne te regarde pas non plus. ». Elle est là. L’aura du Roi qui sommeille en toi. Elle se répand dans toute la pièce comme une traînée de poudre, elle s’étale sur la peau, elle bousilles les poumons, elle saisit à la gorge jusqu’à faire tousser. ((Il faut s’incliner.)). « Je me suis bien fait comprendre ? ».

Et finalement, ça redescend, presque brusquement, les rebords de la couronne t’ont ouvert le front et ont fait saigner tes tempes. T’as poussé un interminable soupir,la colère, la frustration, la peur, tout s’est échappé en un long souffle tremblant. « Désolé, Rose. Je voulais pas te parler comme ça. ». Le calme est revenu s’installer dans tes iris, fragile, instable, t’as la peau lésée qui brûle encore. ((Comme ton coeur.)). « J’ai mes raisons pour ne pas vouloir me remettre avec elle. J’essaie juste … de l’oublier. Et c’est dur. ». Parce que tu le sais, Rose le sait aussi. Tu aimes Tallula comme un fou et c’est en train de te tuer.

Parce qu’elle ne comprenait pas la douleur brillant dans le regard de son frère, le cœur gelé rencontre la flamme inconnue d’un amour brisé, le choc laisse la jeune King muette tout du long. Le sol aurait pu trembler sous ses pieds qu’elle n’aurait pas su bouger, tétanisé par la rage du futur roi devant elle, punition divine, la rose restait interdite devant un mal-être allant bien au-delà d’une simple histoire de couple.
La même colère que lorsque la ville devenait poussière, les cris berçant ses oreilles comme la plus meurtrière des mélodies. La même colère peignant le visage de son frère, méconnaissable. Impossible pour la princesse de donner des ordres à l’héritier, elle le revoit prendre sa couronne pendant quelques instants, rare moment de lucidité dès le prénom maudit prononcé. Rose en revient même à le regretter. Difficile pour la préférée de se faire recadrer, le cœur gelé devient lourd sous l’autorité utilisée contre elle.
« Je me suis bien fait comprendre ? »
Le regard de biche autrefois brûlant de détermination, maintenant refroidis par la réaction bien trop puissante, aucun mot n’arrive à sortir, seulement sa tête bougeant doucement pour donner son accord. Finalement, le corps qui se réveille et la princesse s’éloigne du prince perdu, le silence comme seule réponse, les lèvres plissées par la peur d’utiliser les mauvais mots, de faire revenir l’héritier colérique. Seuls les couinements de Lancelot viennent percer la bulle qui s'était formée entre les deux King, les cils de la rose papillonnant adorablement lorsqu’il vient se frotter contre sa jambe, seul réconfort de la boule de poil qu’elle se surprend à caresser machinalement. Jusqu’à ce que la pièce se réchauffe, chasse la colère et la frustration. si c'était aussi simple.
« Désolé, Rose. Je voulais pas te parler comme ça. »
La princesse ose regarder son frère reposer sa couronne, la fatigue reprenant possession du corps à la dérive. Les révélations qui suivent ne calment pas l’inquiétude de son cœur de jeune fille, les questions qui se bousculent sans que ses lèvres ne puissent s’ouvrir, toujours hésitante depuis le dernier coup d’éclat. L’enfant peureux s’accroche avant de finalement oser parler, les mots qu’elle choisi aussi soigneusement que possible.
« Est-ce que… tu penses que tu t’y prends de la bonne manière jusqu’à maintenant ? » la voix se veut légère, caressant doucement les oreilles avec l’espoir de lui faire entendre raison. « Tu…voudrais pas chercher un autre moyen… S’il te plait ? … Pour moi ? »
Les yeux rougissent rapidement, piquent malgré plusieurs tentatives, avant de finalement libérer le liquide salé. « J’aimerais seulement retrouver mon frère. » la gorge engourdie laisse difficilement passer les quelques sons, suppliques de la princesse aux yeux humides.  

Il y a cet étrange entre-deux qui déchire ton esprit. Fissure invisible qui parcourt ton corps astrale, touche directement ton coeur pour le transformer en poussière. C’est un long couloir sans fin, la lumière est en face mais tes pieds ne cessent de reculer. La chaleur des souvenirs, tu veux la sentir encore contre ta peau, tu veux qu’elle se glisse en toi pour chasser le poison qui calcine ton palpitant. L’avenir a quelque chose de froid, de sombre, d’incertain. Tu pensais le connaître, tu pensais savoir exactement où aller, le chemin était pourtant si clair. Mais les chandeliers se sont éteints, tes yeux ne sont pas habitués à cette obscurité nouvelle et tes mains tâtonnent alors que tes talons sont immobiles. ((Tu ne sais plus quoi faire.))

« Est-ce que… tu penses que tu t’y prends de la bonne manière jusqu’à maintenant ? ». Tes lèvres se pincent entre elle en une pression coupable. Y’avait-il réellement une bonne ou une mauvaise manière d’oublier quelqu’un ? Parce que tu avais l’impression d’avoir tout essayé. Oublier avec le travail, rallonger tes heures pour ne pas avoir à retrouver ton lit vide, mettre ton cerveau au service du Conseil Municipal, te noyer dans la paperasse et les problèmes des autres pour éviter de te noyer dans les tiens. Oublier avec les femmes, les hommes, la chair chaude sous tes doigts, des baisers volés, des caresses sans fins, des connexions nocturnes qui font gémir les cordes vocales en harmonie juste le temps d’une nuit. Oublier avec la boisson, le poison qui se répand dans tes veines jusqu’à détraquer ta tête, ton foi, et tout le reste. Tout oublier.

Elle est de retour. Cette pression étrange qui presse ton myocarde. Et tu regardes Rose avec un goût amer dans la bouche. « Je suis fatigué d’essayer, Rose. ». Parfois, t’as envie que les choses disparaissent en un claquement de doigts. Sifflement de Prince, le peuple qui s’incline, les pièces d’or qui roulent lourdement, écrasent les problèmes qui se dressent sur ton chemin. Si seulement c’était aussi facile. Si seulement ton argent pour acheter ta tranquillité. ((Mais les monstres ne sont pas avares.)). Et la voix de la benjamine te lacère un peu plus le coeur. « J’aimerais seulement retrouver mon frère. ».

Délicate fleur, tu as peur de froisser ses pétales, alors tu l’enlaces, tu fais rouler ses larmes sur tes doigts pour qu’elles quittent ses yeux, tu embrasses sa tempe, comme si un baiser pouvait effacer les visions cauchemardesques de ton cadavre gisant sur le sol de la salle de bain. « Je suis désolé, Rose. ». L’étreinte est chaude, frêle. « Je suis tellement désolé. ». Dans cet enfer nocturne, tu ne te rends pas compte que les créatures du soleil peuvent encore voir tes blessures. Tu écorches leurs rétines avec tes faiblesses, tu bousilles ton esprit avec ton arrogance. ((C’est un cercle sans fin.))

Le couinement canin de Lancelot attire ton regard alors que l’animal se glisse entre vos corps, vraisemblablement jaloux des affections portées à l’égard de Rose. Un rire soufflé t’échappe, tu t’abaisses pour caresser le poil brillant de ton compagnon. « Le Roi n’est pas très gentil, il a fait pleurer la Princesse. ». Comme une accusation, il aboie fièrement, frottant ensuite sa tête contre ta joue. « T’en fais pas, mon pote. ». T’as la voix qui part un peu en vrille, le regard qui glisse jusqu’au visage de Rose, tu articules un rictus fébrile. « Ça va aller. Ok ? ». ((Tout ira mieux.))

C’était pas difficile de faire tomber les larmes, dès l’âge atteint pour savoir les utiliser à son avantage, le jeu facile que la princesse pense jouer sans jamais une seule fois lâcher le contrôle. Mais depuis peu la roue tourne, la princesse versant des larmes plus réelles, les gouttes salées tombaient sans qu’elle ne puisse le contrôler. Grimace amère face aux scènes qu’elle préférerait écraser de ses petits poings, l’enfant vengeur de s’être enfin réveillé, de voir le monde pour ce qu’il était.

Et maintenant l’eau moqueuse vient mouiller son visage de poupée, dévalant la peau et étalant le mascara sur la route qu’elle se construit. Avec une délicatesse trompeuse, elle vient peindre le tableau autrefois si innocent, révélant les fissures du diadème.

C’est maintenant qu’elle trouve le courage de le regarder, de le supplier de revenir. Rose, c’était l’enfant aux larmes faciles, la sensibilité derrière ses grands airs, les pétales fragiles malgré les épines menaçantes. Le visage de Logan retrouve un semblant d’humanité, le regard du prince s’affaiblissant face à la rivière implorante. La fleur se détend en le sentant se rapprocher, son esprit moins désespéré face à la douceur de ses lèvres contre son front épargné par les larmes rebelles.

« Je suis désolé, Rose. »

Les doigts qui se resserrent violemment contre le tissu encore mouillé où l’odeur de l’alcool était encore présent. Encore. Mais Rose ne lâche pas, profitant de la chaleur réconfortante de leur étreinte comme si c’était la première fois. Impossible de se rappeler la dernière fois qu’il l’avait prise dans ses bras, les perles d’eau salées coulent un peu plus à cette pensée. Dans la pièce froide, ses épaules tremblent doucement sous l’acceptation, l’impuissance, l’impatience. L’espoir.

Le temps de quelques minutes de calme apaisant les cœurs, la boule de poils décide de manifester sa présence, provoquant un semblant de rire sortant de sa gorge encore serrée. Elle le regarde silencieusement, le cœur reprenant doucement vie à la vue d’un tableau familier, presque comme au bon vieux temps, la nostalgie empoigne son organe quelques secondes avant de relâcher la pression. Parce que tout ira mieux, n’est-ce pas ?

« Ça va aller. Ok ? » L’espoir dans ses yeux pourrait presque se répandre dans le reste de son corps immobile. Un lent sourire parvient à se former sur ses lèvres rosées, le visage qui recommence peu à peu à rayonner, malgré l’eau qui a coulé. L’organe se gonfle sous la dose d’amour, mettant pour un moment de côté l’inquiétude.

Elle avait espoir.

« Ok. »