Women are never disarmed by compliments. Men always are. (Rosalia)

I. Gamine esseulée dans son chagrin, elle a trois ans lorsque sa mère décède. Cancer du sein. On lui donnait seulement un an à vivre. Trois ans de sursis supplémentaire par pur esprit de contradiction, Brianna n'a jamais été du genre à courber l'échine, et ce, même face à la maladie. Une grossesse en pleine maladie, on les condamnait déjà elle et son bambin. Mais l'enfant a vu le jour, et Brianna a su jouer son rôle de mère les trois années ayant suivi. Et si la déchirure fut des plus douloureuses du haut de son mètre-vingt, la blessure n'est plus aussi béante, les souvenirs s'étant évanouis avec les années. De sa mère, Rosalia n'a plus que la chevelure, et les échos lointains d'un rire cristallin.

II. Père attentionné, William a toujours fait de son mieux pour s'occuper de trois petites terreurs, et ce malgré des horaires de travail plus que chaotiques. Rosie a pu compter sur la patience de ses frères aînés, Ryan et Ryder, des jumeaux au tempérament aussi explosifs qu'imprévisibles. C'est eux qui l'ont élevé, lui inculquant un mode de vie que les plus conservateurs n'attribueraient nullement à une demoiselle. Garçon manqué se laissant difficilement marcher sur les pieds, ce sont les petites brutes de l'école qui en ont fait les frais. Sans attendre sur l'intervention de ses frères, elle a toujours préféré se défendre seule, quitte à se salir les mains.

III. A l'école, elle s'est d'ailleurs toujours plus entendu avec les garçons qu'avec ses consœurs féminines, dont les conversations mielleuses et superficielles lui donnaient envie de balancer du haut d'un toit. Là où ces dernières aimaient discuter mode et dernière tendance tout en colportant des rumeurs, Rosie s'entêtait à mettre tous ses potes au défi au skateboard ou aux arcades. Et à sa plus grande fierté, elle arrivait toujours en tête. Et tant pis si elle rentrait le soir avec des hématomes et des égratignures sur les jambes et sur les bras, cela ne la rendait que d'autant plus déterminée à recommencer le lendemain.

IV. Malgré son amour pour le skateboard, c'est bien le patin à roulettes qui la passionne. Talent qu'elle semble avoir hérité de sa mère. Ce sont d'ailleurs les patins de sa mère qu'elle a récupéré en secret un jour, pour s'entraîner. Depuis ce jour, elle refuse de s'en séparer, et les garde jalousement dans son placard, à la fois pour honorer la mémoire de sa mère, mais également pour le côté affectif.

V. Là où la chambre des adolescentes de son âge est parsemée de posters d'acteurs connus ou d'autres choses totalement absurdes dans ce genre, les murs de Rosie, eux, se voient affublées de cartes postales en tout genre, une mappemonde géante prônant fièrement au-dessus de son lit. Enfant, elle faisait la collection de photographies de paysages, les affichant soigneusement sur sa tapisserie typiquement kitsch et criarde, faisant une liste des endroits à visiter et à explorer. Aujourd'hui, elle a l'impression d'avoir été privée de ses rêves, la condamnant à admirer ses paysages qu'elle n'aura peut-être jamais l'occasion de voir. Pourtant, elle refuse de perdre espoir. Elle veut fuir cet endroit, et elle espère pouvoir le faire avant qu'il ne soit trop tard.

VI. Sa chambre est son sanctuaire, quand elle ne passe pas ses journées aux arcades ou à faire du patin. Très organisée et méticuleuse, pas un objet n'est mal placé. Cela peut surprendre, quand on voit son caractère explosif, mais Rosie ne supporte pas le désordre. Des piles de comic-books rangés par couleur et par date dans sa bibliothèque, une stéréo hurlant du hard-rock et posée sur un coffre renfermant divers objets, dont des patins et divers jeux de société. Une lampe de nuit en forme de ballon de foot. Et un placard rempli de pantalons et de t-shirts en tout genre, bien évidemment. Ici, les robes sont interdites.

VII. Bonne en mathématiques, elle a pourtant beaucoup de mal avec les cours, ayant beaucoup de mal à se concentrer. La patience n'étant pas son fort, il lui est difficile de rester attentive plus de quelques minutes avant de s'agiter, ne supportant pas de rester assise sur une chaise des heures durant. Et si elle n'est pas mauvaise à l'école, il est clair qu'elle préférerait passer son temps à faire autre chose. S'il lui arrive de sécher les cours assez souvent, elle se force à garder des notes et une moyenne stable, pour son père, qui se démène tant bien que mal pour élever trois enfants. Elle ne veut pas le décevoir.

VIII. Son premier crush, elle avait dix ans, et c'était sur une de ses camarades de classe, Josephine Ryland. Attirance qu'elle a préféré garder pour elle, étant déjà considérée comme une marginale et une freak par beaucoup. Si elle a appris à apprécier sa différence et à l'afficher avec fierté, il n'en n'est pas de même pour sa sexualité. Si elle apprécie les femmes tout autant que les hommes, le fait que le sujet soit autant tabou l'empêche de véritablement s'affirmer et s'assumer. Mais là encore, elle se pense bien trop jeune pour vraiment savoir ce qu'elle veut. Puis bon, tout ça, c'est bien trop compliqué pour elle.

IX. Sa première relation amoureuse s'est, de toute manière, révélé des plus catastrophique, l'intéressé en question menaçant d'aller voir ailleurs si elle n'acceptait pas de lui passer tous ses caprices, elle a préféré l'humilier en public en le plaquant sans préavis, n'appréciant que moyennement qu'il envisage de la tromper derrière son dos. Bien que blessée dans son ego, Rosie a toujours refusé de se noyer dans son chagrin, refusant de laisser les hommes avoir le monopole de ses émotions ainsi. Carson a su la réconforter. Carson a su l'apprécier pour qui elle était, et pour ça Rosie l'aime plus que tout. Mais les choses se compliquent. Pensées intrusives, et Rosie, elle a capté. Les chasseurs, la peur au ventre qu'il vienne à la traiter différemment s'il venait à apprendre ce qui se trame sous son nez. Sans parler de Finn, qui fait naître des papillons dans son ventre. Entre les deux, son coeur balance, et les doutes s'installent.

X. Rosie s'acharne sur les jeux encore plus que d'habitude, écoute la musique bien plus forte qu'à l'accoutumée. Ca l'aide à calmer la tornade autant dans son âme que dans sa tête. L'aide à se concentrer, à faire taire le bruit constant, et à faire éloigner les migraines quelques minutes. Une paix bien trop appréciée. Les crises se multiplient et s'accentuent, mais la rouquine refuse de se faire soigner, par peur qu'on découvre le pot-au-rose. Les saignements de nez ne sont qu'un résultat malheureux de ses chutes au derby. Les migraines sont un effet secondaire de la météorite. Si ses proches ont remarqué quelque chose d'étrange, personne ne pipe mot. L'adolescence est un âge instable, et Rosie, elle, n'a pas changé malgré ces excentricités. Il n'y a aucun souci à se faire. Rosie va bien. Elle va bien.