Lula ◘ From paradise to hell

La mutation. C’est la clé de l’évolution. Elle peut être imperceptible mais favorisera notre adaptation à notre environnement tout comme elle peut-être bien visible, telle l’évolution qui a favorisé l’apparition de l’homo sapiens sur Terre. Jusqu’à présent, les scientifiques avaient parié sur es évolutions bénignes de la race humaine, spéculant sur la disparition de ce petit orteil de pied ou bien celle des dents de sagesse. Mais aucun d’entre eux n’avaient su prévoir celle qui s’annonça dans un déluge…


« Tu devrais rentrer… T’as vraiment pas l’air en forme, Lu. » Poussant un long soupir, elle tenta de fixer un sourire sur ses lèvre ternes. Elle se sentait fébrile, nauséeuse. Fiévreuse. Elle n’avait pourtant pas bu tant que cela, la veille, elle qui avait présidé le pot de départ d’un collègue journaliste de longue date et à la plume renommée à Minneapolis. L’avait-on droguée à son insu ? La question lui trottait dans la tête depuis l’arrivée de cette migraine matinale qui ne passait plus. « Non, il faut qu’on boucle l’édition spéciale de demain. Josh est revenu d’un des points d’impact ? Il a des infos ? Des photos ? » « Oui. Il est prévu qu’il dépose l’article d’ici une heure sur ton bureau. » Elle hocha la tête, se concentrant sur la tonne de témoignages et de données rapportées ce jour. La nuit précédente, leur monde semblait s’être effondré en l’espace de quelques instants quand le ciel s’était fendu de ces traînées rougeoyantes entraînant l’apocalypse. Les détonations liées aux impacts avait su réveiller bon nombre d'habitant, brisant vitres et bâtiments. Pour ceux qui l’avaient vécu, seule restait dans leur tête l’image de ce ciel qui leur tombe sur la tête.

Lula s’était habillée à la va-vite, avait couru rejoindre sa moto avant de prendre la route, armée de son appareil. Elle était en première loge. Elle était celle qui devait offrir l’information. De ce ciel brisé par des lignes sanglantes à ces logements détruits, massacrés par la tempête astrale, elle avait sillonné toute la nuit sur les routes du Minnesota pour recueillir le plus d’images de cette catastrophe sans précédent. Evidemment, dès les premières lueurs du jours, elle avait cherché à prendre des nouvelles de son père qui fut tout autant qu’elle rassuré de la voir. Ils allaient bien, tous les deux. Un miracle, avait-il dit, lui qui décomptait les morts à chaque minute qui passait en compagnie des autres membres de la brigade dont il était responsable. D’ailleurs, l’un des leurs était porté disparu. Une dernière étreinte, quelques recommandations qu’elle n’écouta pas vraiment puis elle était partie, se rendant au siège de la rédaction du Minneapolis Daily où elle trônait depuis maintenant une petite année. Autoritaire, elle avait donné des ordres et à chaque absent, elle craignait la catastrophe. Les coups de téléphone fusaient, les journalistes étaient dépêchés sur les lieux du drame. C’était une guerre de l’information qui se créait petit à petit et Lula ne laisserait nullement les héros des chaînes nationales s’attribuer le mérite de ce qui se déroulait dans leur ville. Autoritaire, frôlant la tyrannie, elle avait imposé le travail à ses employés avec l’ambition de sortir leur meilleur numéro. Mais voilà, de tous, elle fut la première à tomber, petit à petit.

La nuit blanche, la soirée de la veille… Voilà qui avait suffit à la mettre sur le carreau et, à présent, ses capacités attentionnelles étaient réduites à peau de chagrin. Fronçant les sourcils, massant ses tempes, elle soupira une énième fois, chose qui suffit de convaincre Nathalie, son bras droit et assistante de rédaction pour oser parler à nouveau. « Lu, t’es plus rose, t’es verte. Tu devrais prendre soin de toi, les hôpitaux son surchargés et ils ne pourront pas te prendre pour une mauvaise cuite, tu le sais ? On gère, je m’occupe de tout ça et je te déposerai le book chez toi avant de l’envoyer à l’impression pour avoir ton aval. Mais là, tu ne peux pas rester dans cet état ici, tu ne vas faire qu’inquiéter tout le monde. » Elle avait raison. Mille fois, même et pourtant, Lula se cramponnait à son bureau comme s’il était sa vie toute entière. Elle finit par capituler mais ne souhaitait nullement rentrer. Non, elle resterait là autant de temps qu’il le faudrait. Prenant du recul dans la salle de repos, elle s’était allongée sur le sofa, un torchon humide sur son front pour l’aider à supporter cette fièvre. Son corps semblait brûler. Merde, mais on lui avait donné quoi, exactement ?

Trois heures plus tard, on lui présenta l’ébauche de l’édition du lendemain. Sans réellement la lire, elle finit par acquiescer avant d’encourager tout le monde à rentrer chez soi en ouvrant l’œil. Elle-même décida de rentrer sur le dos de sa moto malgré sa vue qui, doucement, vacillait. Elle commençait à croire que tout ceci n’était pas que du fait de l’alcool ingurgité la veille. Pénétrant son appartement avec un soulagement immense, elle n’eut le temps que de verrouiller la porte. La fièvre, brutalement, fut si forte qu’elle en lâcha un gémissement de douleur, se laissant tomber à genoux, ses mains venant enserrer son crâne comme pour l’empêcher d’exploser. Ses gémissements su muèrent en cris de douleurs, d’agonie. La douleur était vive, brulante, comme si son cerveau tout entier n’était plus qu’un brasier immense. Essayant de se redresser, elle réalisa bien assez vite qu’elle ne voyait plus réellement le monde qui l’entourait, se drapant d’un voile noir. Et puis, d’un coup, la douleur s’effaça.


Où suis-je ? Respirant avec force, elle se sentait soudainement légère, différente. Lula n’était pas capable de décrire en quoi tout ceci l’était et pourtant, la jeune femme n’était plus telle qu’elle l’avait été auparavant. Je suis morte. Ce fut la première pensée qui lui traversa l’esprit. Et pourtant, elle avait de la peine à y croire. Relevant le regard sur son environnement, elle découvrit alors un lieu bien différent de son appartement. Il lui fallut de longues et précieuses minutes pour comprendre que, si les murs lui étaient familiers, ils ne représentaient pas non plus à l’identique l’image qu’elle se faisait de cet endroit. La [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Ce lieu, elle le connaissait par cœur pour y avoir passé de longues heures tant à faire des recherches qu’à étudier durant son master degree en journalisme. De toutes les facultés, elle avait choisi celle de Baltimore qui lui promettait de bons résultats et une facilité déconcertante à s’introduire dans la vie. Ses yeux clairs grands ouverts, elle dévisageait les yeux d’un air déconcerté. Elle ne pouvait être morte car le paradis ne pouvait ressembler à ceci. Non, c’était impossible. Se dirigeant prudemment entre les rayons de livres, son attention se porta sur les différentes références de cette bibliothèque bien particulière.[/i] Mommy’s memory. Fronçant ses sourcils parfaits, Lula se glissa dans ce rayon, cherchant à comprendre. Sa mère. Lisant les reliures, elle fut surprise des titres de ces romans. Puis, elle s’en saisit d’un en particulier.

Mom’s death. Ouvrant l’ouvrage, elle fut alors comme absorbée par celui-ci. Soudain, elle n’était plus à Baltimore, mais bien à Big Falls, dans cette maison familiale où ils avaient vécu durant toutes ces années, jusqu’à la fin de ses études secondaires. Cillant un instant, elle vint effleurer le dessus d’une boîte à musique qu’elle avait sur la table de nuit. Sa chambre d’enfant. Il ne lui fallut guère longtemps pour comprendre qu’elle se trouvait dans cette pièce où elle avait su grandir, où elle avait passé tant de temps à jouer. Tournant sur elle-même, elle se retrouva face à son propre lit dans lequel était allongée une petite fille aux grands yeux clairs et aux cheveux bruns foncés. La dévisageant, elle prit quelques secondes à comprendre qu’il s’agissait d’elle-même. C’était une autre Lula, âgée de 6 ans, tout au plus. Tout sourire, elle regardait une femme qui la berçait d’une voix douce. « Maman… » Doucement, elle tenta de poser sa propre main sur l’épaule de la femme mais celle-ci passa au travers. Elle ne pouvait la toucher. Lula ne comprenait toujours pas réellement ce qu’il se passait, où elle se trouvait mais, un instant, elle fut apaisée. Sa mère lui souhaita bonne nuit et passa sa main sur la joue de cette enfant. Et pourtant, l’adulte ressentit cette caresse sur la sienne, venant machinalement glisser ses doigts sur sa joue pâle. Comment ? Pourquoi ? Lula était perdue et pourtant, quand sa mère se leva pour quitter la chambre, laissant la petite lumière allumée, la boîte à musique tourner, elle se laissa enfermer avec cette autre elle.

Autant bercée par la musique qu’elle le fut enfant, elle écouta cette mélodie qu’elle connaissait par cœur. Et quand la musique s’arrêta, comme à l’époque, elle entendit les voix s’élever dans la petite maison. Tendant l’oreille, comme l’enfant dans son lit, elle chercha à comprendre les mots inaudibles que prononçaient ses parents et… Cette troisième voix. Son sang se glaça tandis qu’elle comprenait doucement ce qui allait se passer. Cette nuit, son inconscient avait essayé de la lui faire oublier et pourtant, tout lui revint finalement en mémoire. « Non, n’y va pas ! » L’enfant s’était levée, sur la pointe des pieds, curieuse, innocente. Lula tenta de se retenir mais fut forcée de la suivre. Elle sentait son cœur s’emballer peu à peu. Non. Pas ça… Descendant les escaliers avec l’enfant, elle se retrouva bientôt face à cette scène qui avait hanté ses nuits de longs jours durant. D’une petite voix, l’enfant interpella ses parents autant que le troisième homme qui ne l’avait pas vue arriver. Et qui pointa derechef son arme sur elle. Sa mère hurla son prénom, son père tenta de la convaincre de retourner se coucher. Mais l’homme leur hurla de la boucler, tendant une main vers la petite fille, ébouriffant ses cheveux tandis qu’il venait poser le canon de l’arme sur son front. Assistant à la scène, impuissante, Lula ressentit le contact froid du métal sur sa peau, chose qu’elle avait entièrement oubliée. Et elle sentit la peur lui dévorer les tripes. Ses parents tentèrent de négocier, sa mère pleurait. Pourquoi tu pleures, maman ? A ces mots d’enfant, ce fut la Lula adulte qui laissa les larmes rouler sur ses joues. Elle savait ce qui allait se passer. Et elle ne voulait pas voir ça. Elle voulait sortir d’ici autant qu’elle restait paralysée.

Son père dégaina son arme de service, incitant l’homme à lâcher la sienne. Se redressant, il faisait face à ses parents, l’enfant devant lui toujours dans sa ligne de mire. Mais la mère, protectrice invétérée de cette enfant unique, tenta un pas en avant, cherchant à récupérer son précieux trésor. L’homme releva son arme vers elle et deux détonations s’enchainèrent. Ce bruit. Violent, sourd, arrachant un cri à l’enfant qui se recroquevilla sur elle. Lula n’avait pas compris, à l’époque, tout ce qu’il se passait. Mais la première chose qu’elle vit en rouvrant les yeux était cette mère, allongée sur un sol rougi par le liquide pourpre qui coulait encore et encore. Ses yeux étaient ouverts, mais elle ne bougeait plus. Son père s’était jeté sur l’homme pour le maîtrisé, uniquement blessé. Pour la première fois, en observant ses traits, Lula comprit qu’il avait même envisagé de le tuer, là, maintenant. Mais les pleurs de l’enfant et ses appels le ramenèrent dans une réalité douloureuse. Lula avait regardé cette scène, retenant sa respiration, se noyant dans ses larmes. je dois partir. Se ruant vers la porte d’entrée, elle l’ouvrit, se retrouvant face à un miroir. Fronçant les sourcils et sans réfléchir, elle tenta de le briser en se jetant en avant, se contentant alors d’être happée et ressortant dans cette bibliothèque, le livre tombant au sol à ses côtés. Elle demeurait dans ce même rayon qu’auparavant, étant comme ressortie de ce mauvais roman. Tremblante comme une feuille, elle chercha à se relever, le souffle court, reculant de ce rayon maudit, parcourant la bibliothèque en courant. Puis, désespérée, elle laissa ses poumons se remplir d’air pour mieux l’expulser dans un cri.

Le hurlement ainsi poussé ricocha contre les murs de la bibliothèque, provoquant un vrombissement sourd en réponse et certaines étagères tremblèrent, forçant des livres à choir sur le sol de la bibliothèque dans un capharnaüm des plus total. Les yeux écarquillés, Lula observa la chute de son esprit, de sa propre mémoire sans comprendre tout ceci. Son cœur battait la chamade et elle eut le sentiment qu’il allait sortir de sa poitrine. Redescendant au rez-de-chaussée, elle chercha la sortie, cette double porte en bois qu’elle avait franchi des milliers de fois. Elle allait en attraper la poignée quand une autre porte attira son attention. Le vrombissement, toujours, se faisait entendre au fur et à mesure que les livres chutaient au sol, parfois même d’un étage à l’autre. Mais ce bruit sourd ne parvint pas à étouffer ces cris, cette voix qui l’appelait. Lula. Cillant, elle s’en approcha avec peine. Sur le battant de la porte, un symbole signalisait aisément qu’il fallait garder cette entrée solidement fermée. Mais la perdition de Lula acheva de la convaincre. S’emparant de la clenche, elle ouvrit la porte derrière laquelle se trouvait un miroir. Lula observa un instant ce reflet qui lui ressemblait autant qu’il se différenciait d’elle. Quand elle se contentait de le dévisager, le reflet, lui, s’agaçait, hurlait son prénom. Elle n’eut pas le temps de constater toutes les différences entre elles deux que, déjà, le miroir se fissurait. Ecarquillant les yeux, elle n’eut le temps de rien. Se brisant en mille morceaux, il lui explosa presque à la figure et, dans son sillage, son reflet bascula de son côté, poussé par une vague de nouveaux livres qui les emporta tous les deux une bonne dizaine de mètres plus loin. « Putain de merde, Lula ! Reprends-toi ou on va juste y passer toutes les deux ! » Comme il était étrange d’entendre sa propre voix. Et pourtant, celle qui la prononçait n’était pas elle. Blonde décolorée, l’air franchement peu aimable… Elle lui rappelait ces temps passés dans une mauvaise époque. Et alors elle comprit que ce n’était pas son reflet. Pas du tout. « Alice. » Comme un mauvais rêve duquel elle se réveillait, voilà qu’elle tombait face à face avec cet autre elle, avec cette sorcière démoniaque qui venait ruiner ses pensées. « On fera les présentations plus tard, Einstein, il faut que tu reprennes le contrôle si on veut pas finir complètement noyées là-dessous ! » Et comme pour illustrer ce qu’elle disait, une nouvelle vague de livre tomba de l’étage supérieur, venant se mélanger avec ceux ramenés par cette porte dérobée. « Le contrôle ? » « On est dans ta tête ! Si tu es pas foutue de reprendre les rênes, c’est moi qui devrais le faire. » Et dans son regard, Lula sut qu’elle le ferait, avec un certain plaisir, même.

Il lui fallait faire le vide dans sa tête. Les mots de sa psychologue revinrent doucement à elle, l’invitant à un calme intérieur, à une méditation. Mais comment procéder quand le monde semblait s’effondrer ? Et pourtant, comme par magie, à l’instant même où Lula décida de se calmer, la sérénité se fit doucement dans la large pièce. Ce qui semblait s’apparenter à un tremblement de terre s’apaisa pour laisser place à une accalmie d’un silence effrayant. Se concentrant sur cette respiration profonde, elle créa suffisamment d’espace à son esprit pour qu’il puisse trouver sa place dans tout cela. Finalement, rouvrant les yeux, elle constata à travers le plafond vitré que le ciel s’était éclairci, comme lors de son arrivée en ces lieux étranges. Poussant un soupir de soulagement, elle baissa le regard sur tout ce qui l’entourait. La bibliothèque était dévastée, ravagée par cette peur et cette panique qu’elle avait amenée avec elle. Oh, elle n’était pas à l’abri que cela recommence, loin de là. Mais, au moins, elle pourrait essayer de minimiser les choses. « Pfiou ! C’était limite ! » S’extirpant de la masse de livres qui se trouvaient là, Alice était égale à elle-même. Comment comprenait-elle plus facilement tout ça ? Pourquoi ? Les questions fusèrent, nombreuses, certaines sans réponses, d’autres éclairées par l’habitante de cette autre bibliothèque.

Sa mémoire, son esprit, était scindé en deux parties qui venaient de s’entrechoquer. Alice avait passé la plus grande partie de sa vie derrière ce miroir, face à une porte close, ne faisant que se glisser à l'extérieur quand une faiblesse d'esprit lui permettait de le faire. Elle se revendiqua comme étant la plus forte des deux, la plus capable de les protéger dans des situations terribles. C'était pour cela qu'elle s'était créée, que Lula lui avait permit d'exister après la mort de sa mère. Leur mère. Mais elles partageaient un corps, non un mode de pensées et la confrontation était jusque là impossible, improbable même. La cohabitation allait devenir une nécessité certaine et il faudrait qu’elles s’accordent sur les droits et possibilités de chacune. Mais pour l'heure, l'état lamentable des lieux ne leur permettait pas beaucoup de possibilités d'action. Il faudrait reprendre les souvenirs, et les ranger. Tous. Il faudrait s'y confronter à nouveau, réagencer les lieux. « Ce que je comprends pas, c’est pourquoi maintenant. Qu’est-ce que t’as foutu exactement ? Parce que d’habitude, je t’entends te promener plus façon zombie dans les parrages. Tain, quand t’as hurlé, j’ai cru mourir d’une crise cardiaque. » Toujours les mots pour faire plaisir… Lula essayade réfléchir, de comprendre. « Il y a eu… Une pluie de météorites… » « Et donc on est devenu superman ? T’as couché avec un alien ? Sérieux, depuis quand une météorite qui s’écrase sur la Terre est quelque chose d’incroyable, ça arrive tous les jours, tu sais ? Wooow, comment je sais ça, moi ? » Lula aussi, fut interloquée, la regardant comme si c’était quelque chose d’inhabituel. Elles avaient toutes les deux leurs centres d’intérêts… Et l’astronomie ne faisait pas vraiment partie de ceux d’Alice. « Tout se mélange… Il faut que je sorte d’ici. Il faut que je retourne dans la vie normale… » « Ohla, doucement, je suis censée faire quoi, moi, en attendant ? les ongles ? » « Commence par ranger un peu. Il faut qu’on fasse le tri et que tu renvoies de ton côté tes souvenirs. » Et sans se retourner, sans réfléchir davantage, Lula courut ouvrir cette porte, passant au travers, se raccrochant à l’autre côté. Alice, elle, ramassa un premier livre et sourit doucement en coin. « Faire le tri, hein… ? »


Reprenant une grande inspiration, elle ouvrit les yeux. Se redressant brusquement, comme dans un mauvais rêve, elle eut soudainement la nausée et n’eut que le temps de se mettre à quatre pattes pour repasser ce qu’elle avait dans son estomac. Sur le sol de sa cuisine, elle tremblait de tout son être, fébrile d’une fièvre qui ne passait pas. Pourtant, pour le reste, il semblait que les symptômes s’étaient tus. Reprenant sa respiration, elle se persuada doucement que ce qu’elle venait de vivre n’était qu’un délire dû à la fièvre. Se redressant péniblement, son regard se posa sur l’heure du micro-onde. D’un rapide calcul, elle constata que ce qu’elle venait de vivre n’avait pas duré plus de trois minutes. Trois minutes qui lui avaient semblé durer des heures. Un rêve. C’était forcément un rêve, n’est-ce pas ?